La situation de Kanga Guelor est un cas d’école. Lui, le natif de Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC), est devenu international gabonais depuis 2012. Cette situation peut-elle remettre en cause la qualification des Panthères à la CAN Cameroun 2021 ?
En effet, y aurait-il une nationalité administrative et une nationalité sportive qui relèveraient de deux ordres juridiques différents, s’interroge 7 Jours Info ? Dans les faits, on constate que chaque fédération sportive en l’occurrence la Fédération Gabonaise de Football (FEGAFOOT) et la Fédération Congolaise de Football Association (FECOFA), élabore ses propres règles, indépendamment de la définition qu’en donne le code civil.
Dans le même temps, se pose à chaque occasion la question de la composition de la sélection nationale du Gabon, de la naturalisation frauduleuse des footballeurs étrangers par la FEGAFOOT. Dans un cas comme dans un autre, l’éthique sportive est en cause et il en va de l’image du Gabon de par le monde. Malgré le nationalisme exacerbé à chaque compétition, la notion de nationalité en matière de football n’a pas grand-chose à voir avec la nationalité telle qu’on l’entend habituellement.
Aussi, le droit distingue clairement la nationalité légale ou administrative, et la nationalité sportive dépendant de la Fédération. La première est le statut liant Kanga Guelor à la RDC, fondé sur la filiation et la naissance, et lui conférant un ensemble de droits et devoirs. La seconde permet de définir à Kanga Guelor la possibilité de participer à une compétition internationale sous les couleurs du Gabon. Cette distinction est clairement affirmée par le tribunal arbitral du sport (TAS).
Il y aurait donc une lex sportiva désignant l’ordre juridique transnational propre au football. Du coup, la FEGAFOOT a élaboré ses règles relatives à la nationalité sportive, indépendamment de la nationalité telle que nous l’entendons dans le code civil. Les règles sont clairement posées, car la nationalité est une condition pour jouer en équipe nationale. Par ailleurs, le règlement de la Fédération internationale de football association (FIFA) dit que « Tout joueur possédant à titre permanent la nationalité d’un pays est qualifié pour jouer dans les équipes représentatives de l’association dudit pays. »
Il n’est donc pas nécessaire d’être Gabonais pour défendre les couleurs du Gabon, on peut l’être et ne pas pouvoir la représenter. La question des binationaux et des naturalisés donne lieu à d’importantes restrictions dans les règlements des différentes fédérations sportives. Pour un joueur devenu gabonais ou binational ne peut porter le maillot des panthères que s’il n’a pas disputé de match international « A » (donc hors équipe de jeunes ou matchs amicaux). L’idée est de limiter les naturalisations aux seules fins utilitaristes, particulièrement en ce qui concerne la reine des compétitions, les Jeux olympiques.
La FEGAFOOT doit fixer un nouveau cadre réglementaire relatif à la durée de naturalisation selon l’âge pour éviter les cas de naturalisations qui entravent l’émergence de jeunes Gabonais au football. Par exemple, si un joueur de moins de 15 ans souhaite changer de nationalité, il devra patienter cinq ans pour prétendre à une sélection avec son nouveau pays. En revanche, de 15 à 21 ans, le temps d’attente sera de trois ans. Mais à partir de 21 ans, le changement de nationalité devra s’effectuer en un an.
Force est de constater à quel point le sentiment national exacerbé lors des compétitions sportives repose sur une fiction faite de règles conjoncturelles liées à des enjeux financiers. On remarquera d’ailleurs jusqu’où se niche l’hypocrisie.
En définitive, le cas Kanga Guelor n’est pas un cas isolé en Afrique. Comme le disait Philippe Doucet lors de l’émission de Talents d’Afrique du lundi 26 avril 2021. Ce genre de nationalisation sportive concerne des centaines de joueurs en Afrique. Mais ce modus operandi est aussi réalisé en Europe et dans le monde.
Nous comprenons mieux pourquoi depuis près d’un mois que la FECOFA a saisi la CAF pour le joueur gabonais Kanga Guelor, l’instance continentale du football n’a pas donné une suite à cette affaire et donc n’a pas jugé utile de saisir la FEGAFOOT pour explication.
Avec Jours Info