Clap de fin pour le président angolais, l’un des plus anciens chefs d’État africains, qui règne sans partage depuis 37 ans. Avec le Point Afrique.
Annoncé en décembre 2016 à la surprise générale, le départ du président angolais en place depuis trente-sept ans se confirme ce 3 février 2017, avec l’intronisation de son dauphin comme futur candidat de la présidentielle d’août : Joao Lourenco. Mais qui est Éduardo dos Santos, l’homme qui règne sans partage sur ce géant pétrolier lusophone ? Quel sens donner à son départ, lui qu’on disait inamovible ?
L’énigmatique monsieur dos Santos
Derrière un sourire énigmatique se cachait un homme à la poigne de fer et fin politicien. En effet, sans jamais être directement élu, le président José Eduardo dos Santos a réussi à diriger sans partage l’Angola pendant trente-sept ans. À 74 ans, fatigué par la maladie, l’ancien rebelle marxiste a confirmé vendredi qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat à la tête du pays lors des élections générales prévues en août.
Sa décision, annoncée à son parti début décembre, marque la fin d’un règne autoritaire qui lui a permis de remettre l’Angola sur le chemin de la paix, mais pas, malgré sa manne pétrolière, de le sortir de son extrême pauvreté. Même si ses apparitions publiques sont très rares, José Eduardo dos Santos est omniprésent dans tous les secteurs du pays depuis près de quatre décennies. Chef du parti au pouvoir, il dirige son gouvernement, commande l’armée et la police, nomme les juges, exerce sa mainmise sur l’économie et contrôle les médias.
Leader marxiste
Même hors de ses frontières, il s’est imposé comme l’un des piliers politiques de la région. Seul son homologue équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema le devance pour le titre de doyen du continent africain. D’un petit mois à peine. Eduardo dos Santos est crédité d’avoir sorti l’Angola de la guerre fratricide qui l’a ensanglanté jusqu’en 2002. Puis d’avoir favorisé son récent boom pétrolier, qui a fait de Luanda l’une des capitales les plus chères de la planète. Malgré la construction de routes ou d’hôpitaux, ce bond en avant n’a bénéficié qu’à une infime partie de la population, qui reste l’une des plus pauvres au monde.
Pour ses opposants, la famille de « Zedu », le surnom du président, figure au premier rang des « profiteurs » de la corruption qui gangrène le pays. C’est notamment le cas de sa fille Isabel, surnommée la « princesse » et considérée comme la femme la plus riche d’Afrique par le magazine Forbes. L’an dernier, elle a été bombardée aux commandes de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol, touchée de plein fouet par la baisse des cours de l’or noir.
Stratège de la guerre… à la paix
« Contre toute attente », dos Santos « a réussi à garder le pouvoir malgré le défi de la guerre et des élections », résume Alex Vines, du centre d’études Chatham House de Londres. Il « a toujours été un grand stratège », renchérit Didier Péclard, professeur à l’université de Genève. « Il a su redistribuer les faveurs rendues possibles grâce à la rente pétrolière dans un cercle assez restreint de clients politiques. »
Né le 28 août 1942 d’une famille modeste, Eduardo dos Santos a grandi dans le « barrio » de Sambizanga. Dans ce bidonville de la capitale, noyau de la lutte contre le Portugal, la puissance coloniale, ce fils de maçon adhère en 1961 au Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), mais ne fait qu’un bref passage dans la lutte armée. Deux ans plus tard, il obtient une bourse pour étudier en Azerbaïdjan, où il décroche un diplôme d’ingénieur et épouse une Soviétique. Aujourd’hui marié à Ana Paula, une ex-hôtesse de l’air de 18 ans sa cadette, il est père de plusieurs enfants.
Tout puissant chef du MPLA
Dans les années 1970, il poursuit son ascension politique en intégrant le comité central du MPLA, avant de devenir chef de la diplomatie à l’indépendance du pays en 1975. Dauphin du premier président angolais Agostinho Neto, il est nommé vice-Premier ministre, puis ministre du Plan. À la mort de son mentor en 1979, il est investi chef de l’État par le MPLA, dont il prend la présidence.
Il n’a depuis plus lâché le pouvoir au gré des scrutins et des changements de Constitution, sans jamais être directement élu. En 1992, la présidentielle est annulée entre les deux tours après des accusations de fraude de son rival, le rebelle Jonas Savimbi. Une autre élection prévue en 2008 n’aura jamais lieu et la Constitution de 2010 lui permet d’être reconduit deux ans plus tard en tant que chef du MPLA, vainqueur des législatives.
Un règne trop long
La police réprime toute tentative de manifestation de masse. Ses adversaires politiques crient à la « dictature », lui s’en défend. « Nous sommes un pays démocratique. Nous avons plusieurs partis », dit-il en 2013 dans l’un de ses rares entretiens à la presse. « C’est un vrai despote, un faux démocrate », tranche le rappeur Adao Bunga « McLife », du Mouvement révolutionnaire pour l’Angola.
Amateur de musique et de poésie, dos Santos partage son temps entre le palais présidentiel d’un rose très colonial et une résidence dans le sud de Luanda. En 2013, il avait confié à une télévision brésilienne sa lassitude du pouvoir en qualifiant son règne de « trop long ». Conformément au scénario qui avait filtré en décembre, c’est un de ses fidèles, l’actuel ministre de la Défense João Lourenço, qui a été choisi pour lui succéder à la tête du pays. « De nombreux Angolais vont pour la première fois être les spectateurs d’un changement de président », a commenté à l’AFP Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House. « C’est un tournant décisif dans l’histoire de l’Angola moderne », a ajouté cet expert du pays. La Constitution angolaise ne prévoit pas de scrutin présidentiel, mais précise que le poste de chef de l’État revient au numéro 1 du parti qui remporte les législatives.