Selon L’économiste Justine Judith Lekogo, « L’énergie est le socle indispensable à la transformation locale du manganèse au Gabon. »
Dans le cadre de la stratégie de valorisation des ressources naturelles initiée par les autorités gabonaises, la transformation locale du manganèse apparaît comme une priorité.
Madame l’honorable Justine Judith Lekogo, Economiste et femme politique, revient sur les enjeux cruciaux de l’accès à une énergie abondante, fiable et à bas coût pour atteindre cet objectif d’ici à 2030.
Journaliste : Madame Lekogo, pourquoi liez-vous étroitement l’avenir de la transformation du manganèse à celui de l’énergie au Gabon ?
Justine judith Lekogo : Parce qu’on ne peut pas parler de transformation industrielle, surtout dans le secteur métallurgique, sans parler d’énergie. La transformation du manganèse, notamment en alliages ou en silicomanganèse, est extrêmement énergivore. L’énergie peut représenter jusqu’à 30 % des coûts de production dans certaines usines. Si nous voulons être compétitifs face à des pays où l’électricité est subventionnée ou produite à moindre coût grâce aux énergies renouvelables, nous devons garantir un approvisionnement énergétique stable, abondant et accessible financièrement.
Quels avantages économiques le Gabon peut-il tirer de cette politique de transformation locale ?
Justine judith Lekogo : D’abord, une réduction significative des importations de produits finis et une meilleure valorisation de notre matière première. Ensuite, la création d’emplois qualifiés, car ce secteur nécessitera des ingénieurs, des techniciens, et une main-d’œuvre formée. Enfin, cette politique renforcera l’attractivité du Gabon auprès des investisseurs étrangers, qui recherchent des environnements stables avec une énergie compétitive. C’est un levier clair pour la diversification de notre économie.
Cela implique donc une profonde mutation industrielle ?
Justine Judith Lekogo : Absolument! La transformation du manganèse localement n’est qu’un début. Elle doit s’inscrire dans une logique de chaîne de valeur intégrée. Cela signifie développer des infrastructures industrielles dédiées, comme des zones économiques spéciales, mais aussi investir dans des filières connexes : la métallurgie, les matériaux de construction, voire l’industrie des batteries à plus long terme. L’effet d’entraînement sur d’autres secteurs économiques est considérable.
Sur le plan énergétique, quelles sont les priorités ?
Justine judith Lekogo : Le Gabon dispose d’un potentiel important en énergies renouvelables, notamment hydroélectrique et solaire. Nous devons en faire un pilier de notre stratégie. Cela permettra non seulement de réduire notre dépendance aux hydrocarbures, mais aussi de produire une énergie verte, susceptible d’être valorisée à l’international. Cela répond aux attentes croissantes en matière de responsabilité environnementale dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment en Europe ou en Asie.
Le développement énergétique implique-t-il nécessairement un fort engagement de l’État ?
Justine judith Lekogo : Pas uniquement. Il est essentiel de favoriser les partenariats public-privé pour le financement des infrastructures barrages, centrales solaires, réseaux de transport électrique. Cela réduira la charge budgétaire de l’État tout en accélérant les délais de mise en œuvre. Il faut également adopter un cadre fiscal incitatif pour les investissements dans les énergies propres.
Peut-on aussi y voir un enjeu géopolitique pour le Gabon ?
Justine judith Lekogo : Tout à fait. En transformant localement son manganèse, le Gabon renforce sa souveraineté économique et sa résilience face aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières. Cela lui permet d’exporter des produits à plus forte valeur ajoutée, moins exposés à la volatilité du marché. C’est une manière stratégique de s’émanciper des dépendances historiques tout en pesant davantage dans les négociations commerciales internationales.
Quelles recommandations concrètes proposez-vous pour accompagner cette transition ?
Justine judith Lekogo : Il faut, à mon sens, cinq axes prioritaires :
-Élaborer un plan énergétique national spécifique au secteur minier et industriel.
-Mettre en place une tarification énergétique préférentielle pour les industries de transformation.
-Développer des zones industrielles intégrées avec un accès sécurisé à l’énergie.
-Former massivement des ressources humaines dans les domaines de l’énergie et de la métallurgie.
-Instaurer un cadre fiscal, réglementaire et environnemental clair et attractif pour les investisseurs.
Un dernier mot ?
Justine judith Lekogo : Le défis est grand, mais il est à la mesure de nos ambitions. Si nous investissons intelligemment dans l’énergie aujourd’hui, nous pourrons bâtir une industrie nationale forte, durable et souveraine. La transformation du manganèse ne doit pas rester un objectif théorique, mais devenir un pilier concret de notre développement économique.
Propos recueillis par la Rédaction