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Santé : l’Afrique bien mal en point

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La prestigieuse revue « The Lancet » vient de publier son classement mondial des systèmes de santé. La place de l’Afrique n’y est pas des plus rassurantes.

Le classement publié par The Lancet est sans appel pour l’Afrique. Sur les 195 pays étudiés, les 30 derniers en matière de performance du système de santé sont africains. Ce qui est inquiétant, c’est qu’en la matière, si la situation s’est globalementaméliorée au niveau mondial, l’écart entre les pays riches et pauvres s’est, lui, sensiblement creusé depuis 1990. Et l’Afrique n’est pas du tout à la fête. Analyse.

Le patient africain dans un état critique

Pour réaliser son étude, The Lancet, la prestigieuse revue médicale britannique, a mesuré la performance de chaque pays selon le taux de mortalité induit par 32 pathologies (diphtérie, tuberculose, appendicite, certains cancers et maladies cardiovasculaires, etc.) pour lesquelles les décès pourraient en théorie être évités en cas d’accès rapide à des soins efficaces. Le projet, titanesque, a nécessité la collaboration de plus de 2 000 chercheurs à travers le monde, qui ont travaillé sous l’égide de l’Institute for Health Metrics and Evaluation, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates. Au total, 195 pays ont été évalués sur le plan de l’accessibilité et de la qualité des soins entre 1990 et 2015.

Aux trois premières places du podium figurent Andorre, l’Islande et la Suisse. La France se classe 15e, le Royaume-Uni, 30e, les États-Unis, 35e, la Chine et l’Inde respectivement 82e et 154e. Treize des quinze premiers pays du classement sont situés en Europe de l’Ouest.

Les pays pauvres progressent, mais beaucoup moins vite que les pays riches

Premier enseignement de cette étude : la qualité des soins s’améliore à l’échelle de la planète, mais les pays les plus pauvres progressent moins vite que les autres. En effet, depuis 1990, les résultats ont sensiblement augmenté, passant en moyenne de 40,7 à 53,7. Durant cette période, 167 pays sur 195 ont vu l’accessibilité et la qualité de leur système de santé s’améliorer de façon significative. Mais dans le même temps, les inégalités se sont creusées : l’écart entre le premier et le dernier pays était de 62 points en 1990. En 2015, il est de 66 points. La tendance n’est donc pas homogène. Conséquence : entre le haut et le bas du classement, la distance s’accroît.

Comme en matière de richesses, les inégalités sur le plan de la santé augmentent au niveau mondial. Pour l’Afrique, le résultat est sans appel : elle occupe 27 des 30 dernières places, et 37 des 50 dernières. La Centrafrique arrive en dernière position du classement. Suivent dans les cinq dernières places la Somalie, la Guinée-Bissau, le Tchad et l’Érythrée. Seule une petite poignée de pays africains tirent leur épingle du jeu. C’est le cas de l’Afrique insulaire (Les Seychelles et l’île Maurice sont respectivement 67e et 94e) et, dans une moindre mesure, de l’Afrique du Nord (la Tunisie est 89e, la Libye 90e, l’Égypte 108e, l’Algérie 130e et le Maroc 133e).

Dépenses de santé par habitant et par an : le niveau très bas en Afrique

La deuxième leçon intéressante à tirer de l’étude porte sur la relation entre les performances réelles des pays en matière de développement et leur capacité à améliorer, dans le même temps, leur système de santé. Ici aussi, les résultats sont éclairants : « L’augmentation du niveau de développement n’entraîne pas forcément une amélioration de la qualité et de l’accès au système de santé », souligne le professeur Christopher Murray, le responsable de l’étude, de l’Institut américain des mesures et évaluations de la santé (IHME) de l’université de Washington. Une constatation corroborée par quantité d’autres études qui, au-delà, ont démontré qu’« il n’y [avait] pas [non plus] de lien automatique entre augmentation des dépenses de santé et amélioration de l’état de santé » (Jacky Mathonnat, Disponibilité des ressources financières pour la santé dans les pays d’Afrique subsaharienne, Agence française de développement département de la recherche, 2010).

Toutefois, on peut noter une corrélation relativement forte entre le niveau des dépenses de santé par personne et par an et l’état de santé général des populations concernées. Selon les dernières données disponibles de la Banque mondiale, les dépenses de santé en Andorre, qui occupe la première place du classement de The Lancet, s’élevaient en 2014 à 3 746 dollars par personne et par an. Cette année-là en Centrafrique, lanterne rouge du classement, elles n’étaient que de… 16 dollars. Plus généralement, les dépenses annuelles de santé par habitant en Afrique sont rachitiques.

Le cas symptomatique du Sénégal

Au Sénégal, pays qui occupe le 173e rang du classement de The Lancet, les dépenses de santé par personne et par an se situent aux alentours de 50 dollars. La santé y est au cœur du débat public et occupe régulièrement la une des médias. Ainsi, au début de l’année 2017, la seule machine de radiothérapie du pays, donnée par la France en 1989, est tombée en panne. Cela a créé une vive polémique et obligé les autorités sénégalaises à transférer les malades atteints du cancer au Maroc. Et pas plus tard que cette semaine, le bloc opératoire du Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec de Dakar a été fermé. Le compresseur, qui produit l’air comprimé nécessaire au bon fonctionnement des appareils d’anesthésie, est tombé en panne. Perclus de dettes (1 milliard 300 millions de francs CFA), le CHU n’a plus les moyens d’en assurer l’entretien. De quoi comprendre pourquoi le secteur de la Santé clame à qui veut l’entendre qu’il est le laissé-pour-compte des politiques publiques dans les pays africains.

Avec le Point Afrique

 

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