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Tropicale Amissa Bongo : hécatombe dans l’équipe gabonaise

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En crise depuis près de trois ans, l’équipe gabonaise a une nouvelle fois subi un revers à domicile. Seuls trois des six coureurs sont au départ de la 3e étape ce matin à Léconi.

« Et ils sont où, nos coureurs  ? » Josiane cherche frénétiquement la présence des maillots vert-jaune-bleu des coureurs gabonais dans le peloton. Son voisin croit reconnaître la tunique des Panthères dans le groupe de tête. Mais non, il a confondu avec un Rwandais. Dans le peloton où figure le maillot jaune, seuls deux des six Gabonais sont encore présents, après seulement une cinquantaine de kilomètres de parcourus. Les autres sont déjà loin derrière, et cette deuxième étape, la plus longue de cette 14e édition de la Tropicale Amissa Bongo (169 km entre Franceville et Okondja) s’annonce comme une journée galère pour le reste de l’équipe. La chaleur, la multiplication des côtes et le rythme imposé par les équipes professionnelles et la formation érythréenne n’arrangent pas les choses. Un groupe d’échappés a bien tenté de tenir en respect le peloton, mais l’étape s’est encore terminée par un sprint massif, avec une nouvelle victoire de l’Italien Niccolo Bonifazio (Direct Énergie). Le premier Gabonais, Geoffroy Ngandamba, passe la ligne trois minutes après le maillot jaune. Son coéquipier, Glenne Moulingui, arrive plus de 45 minutes plus tard, alors que la cérémonie protocolaire s’achève, suivi dix minutes plus tard de Cédric Tchouta.

Une étape qui a fait des dégâts

Au moment où la caravane de la course repart vers Franceville afin de rentrer dans les hôtels, quatre coureurs manquent encore à l’appel, dont la moitié de l’équipe gabonaise. Le convoi croise ces cyclistes en perdition à près de 1 h 45 de retard, perdus sur la route, au milieu de la forêt équatoriale. Les trois Gabonais, accompagnés d’un coureur ivoirien, sont talonnés par la voiture-balai. Mais tous refusent d’abandonner et finissent au courage, sachant pourtant qu’ils ne repartiront pas demain car ils vont arriver hors délai. Pourtant, sur le bord des routes, une partie du public n’est pas tendre avec eux. « C’est un scandale, le pays organise la plus grande course du continent et eux, ils ne s’entraînent pas suffisamment, poursuit la spectatrice croisée tout à l’heure. Ils sont partis en stage pendant trois mois en Afrique du Sud, mais, depuis qu’ils sont rentrés fin décembre, ils mangent, ils dorment, c’est tout ! »

Le retour de l’entraîneur prodigue

Avant le début de la Tropicale, les médias locaux s’étaient inquiétés de cette situation. En effet, la sélection nationale gabonaise avait eu la chance de rejoindre le centre continental de l’Union cycliste internationale en Afrique du Sud. « À notre retour, on espérait partir directement à Franceville pour continuer cette mise au vert et préparer au mieux la Tropicale, mais on nous a cantonnés à Libreville pendant près de trois semaines », regrette Glenne Moulingui, l’un des trois rescapés du jour. Difficile de s’entraîner dans la capitale gabonaise, où des milliers de voitures et de camions circulent chaque jour.

Vu la situation, les coureurs ont réclamé le retour de leur entraîneur, Abraham Olano, recruté en 2016 par la fédération gabonaise pour encadrer l’équipe nationale. À l’époque, cet ex-coureur professionnel espagnol, ancien champion du monde sur route, avait pris en main la préparation de la sélection nationale. Il les avait emmenés en stage dans son pays et, en seulement un mois, les Gabonais avaient appris les bases du métier de coureur cycliste. Pour la première fois de leur histoire, tous les coureurs de la sélection avaient fini l’épreuve. L’année suivante, le coach espagnol, faute d’avoir été payé, est rentré chez lui. Les coureurs, eux, ont refusé de prendre le départ de leur course, au matin de la première étape. À la suite à cette grève, tous les coureurs ont été radiés à vie, avant d’être réintégrés quelques mois plus tard, après avoir présenté leurs excuses devant le chef de l’État Ali Bongo. L’an dernier; tout semblait être rentré dans l’ordre, même si Abraham Olano n’avait pas repointé le bout de son nez au Gabon et entraînait ses coureurs à distance.

Une situation qui dure depuis des années

« Il y a un problème, ce n’est pas normal qu’après 14 ans, date de la création de la Tropicale Amissa Bongo, le cyclisme gabonais reste aussi faible, note François Ndjimbi, journaliste pour le site d’information Gabon Review. Les coureurs sont livrés à eux-mêmes une grande partie de l’année, on se demande où va l’argent de la fédération, empêchant ainsi notre équipe nationale de courir à l’étranger. De plus, il n’y a quasiment pas d’épreuves organisées au niveau national. Comment voulez-vous détecter les jeunes ! Le président de la fédération est allé personnellement en Espagne convaincre Abraham Olano de continuer. Il devait également revenir avec de nouveaux vélos, promesse qu’il avait faite aux coureurs. Il n’est rentré qu’avec l’entraîneur ! »

Le coach espagnol, arrivé la veille du départ de la Tropicale, n’a pas pu faire de miracles. « Trois mois de préparation, ce n’est pas suffisant pour préparer une telle compétition », avoue Abraham Olano. Un avis partagé par Geoffroy Ngandamba, le meilleur Gabonais du jour, qui pointe à la 57e place du classement général après les deux premières étapes : « Avec les professionnels, c’est vraiment difficile. Il faudrait qu’on puisse courir et s’entraîner tout au long de l’année. Il y a un manque de moyens, de formation… Nous demandons à nos autorités d’investir plus dans le cyclisme.

La seule compétition organisée dans le pays est la Tropicale, cela ne suffit pas pour structurer une équipe. Nous les coureurs, nous avons cette ambition de représenter honorablement notre pays, mais ça ne suffit pas, alors on fait avec les moyens du bord… » Il reste encore cinq étapes pour finir cette 14e édition. Mais la sélection du Gabon et leur coach ont déjà le regard tourné vers 2020 en espérant qu’on leur donne les moyens de leur ambition…

Avec le Point Afrique

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