PORTRAIT. Il est incontestablement le joueur star des Fennecs de la sélection algérienne, Riyad Mahrez n’a pas suivi un parcours conventionnel.
« Le coup franc était pour toi. On est ensemble. » Riyad Mahrez sait prendre ses responsabilités, sur le terrain comme lorsqu’il pianote sur son téléphone. Après la demi-finale remportée face au Nigeria, la star des Fennecs a directement répondu à un conseiller régional d’extrême droite français, qui avait posté sur Twitter ce message hostile à la sélection algérienne : « Pour empêcher la poursuite des violences et des pillages, pour éviter la marée de drapeaux algériens, pour préserver notre fête nationale, n’attendez rien de Castaner. Faites confiance aux 11 joueurs nigérians. » Moins de deux heures après la victoire de son équipe, Mahrez dessinait côte à côte les drapeaux français et algérien à la fin d’un second message : « Le foot est supérieur à la haine. »
Un binational qui a choisi le maillot de l’autre côté de la Méditerranée
Né à Sarcelles (Val d’Oise), formé à Quimper, Mahrez est un symbole de cette Algérie binationale. Sur les 23 sélectionnés, 14 jouissent de la double nationalité franco-algérienne. 7 des 11 titulaires de la demi-finale ont été formés en France, avant d’évoluer pour la plupart dans des clubs de Ligue 1. Mahrez, qui a le niveau pour jouer en équipe de France, a choisi la sélection algérienne à l’occasion du Mondial 2014, à la demande du sélectionneur de l’époque, Vahid Halilodzic. « Mon père me prenait souvent avec lui en vacances en Algérie, je me sentais depuis plus algérien, et ça me tenait à cœur de porter le maillot de l’Algérie, avait-il réagi sur le plateau du Canal Football Club. Je suis content d’avoir exaucé ce rêve. » Un joli coup de la part de la fédération algérienne, car, à l’époque, Riyad Mahrez n’avait pas encore brillé dans le championnat d’Angleterre.
Un parcours de footballeur cabossé
À l’instar de Franck Ribéry ou Olivier Giroud, Riyad Mahrez a suivi un parcours de footballeur cabossé loin des lignes tracées des centres de formation. En 2016, le footballeur algérien racontait le déclic dans le journal L’Équipe : « Quand Quimper (en 2009) m’a proposé un essai, j’avais 18 ans. Le billet de train coûtait 160 euros. J’avais dit à ma mère : T’inquiètes, je vais te les rendre, je vais percer. » Neuf ans après cette phrase prémonitoire, Manchester City signe un chèque de 68 millions d’euros pour recruter le gamin de Sarcelles. S’il a débuté en professionnel au Havre (34 matches de Ligue 2 lors de la saison 2012-2013, 4 buts et 6 passes décisives), c’est en Angleterre que Mahrez explose aux yeux du monde. Alors qu’il rêve de l’OM, le Val-d’Oisien est circonspect au moment de rejoindre Leicester, en 2014. « Leicester, je croyais que c’était un club de rugby », avouait la future star du sud de l’Angleterre, sans avoir totalement tort, dans une interview au site FourFourTwo. Qui aurait pu imaginer que Riyad Mahrez serait élu meilleur joueur de Premier League en 2016 (17 buts, 11 passes décisives) ? Avec l’Anglais Jamie Vardy, il forme un duo qui épate le Royaume-Uni. Dirigé par son magicien italien Claudio Ranieri, Leicester remporte son seul et unique titre de champion d’Angleterre. Cette année-là, la star des Foxes collectionne les récompenses individuelles.
Premier Africain à recevoir le prix de meilleur joueur du championnat anglais, Mahrez est logiquement élu joueur africain de l’année. Il se classe également 7e du Ballon d’or, derrière Cristiano Ronaldo, Lionel Messi, Antoine Griezmann, Luis Suarez, Neymar et Gareth Bale ! Que du lourd devant lui… Cette année, Mahrez a gagné tous les titres possibles en Angleterre avec Manchester City (44 matches toutes compétitions confondues, 12 buts) : championnat, Cup et League Cup. Dans la foulée de cette saison exceptionnelle, le stratège des Fennecs réussit une splendide CAN : 3 buts inscrits, et surtout ce coup franc décisif – enroulé pied droit – à la 95e minute de la demi-finale, qui donnera la possibilité à l’Algérie, ce vendredi, de remporter sa première coupe d’Afrique depuis 29 ans. « Mahrez est le genre de joueur qui vous envoie en finale, s’est réjoui en conférence de presse son sélectionneur Djamel Belmadi. Il se met au diapason de l’équipe, il veut plus que jamais être un leader. Je ne suis pas un entraîneur qui base son équipe autour d’un joueur, mais le leader apparaît tout seul. » En finale, face au Nigeria, Mahrez sait qu’il sera attendu. Près de trente ans après Rabah Madjer, il peut devenir la nouvelle icône du football algérien.
Source : Le Point