Le 27e sommet de l’Union africaine à Kigali a concrétisé ce fort symbole de l’Afrique, franchissant un nouveau palier de son intégration.
Le plan initial était de faire de ce passeport africain un document réservé aux chefs d’État, aux ministres des Affaires étrangères et aux diplomates. Une sorte de passeport diplomatique. Il aura fallu l’appel de la présidente de la commission de l’Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini-Zuma, pour que la règle soit que les États le délivrent à tous les citoyens qui le souhaitent d’ici à 2020. En attendant, ce sont les présidents Paul Kagamé du Rwanda et Idriss Déby Itno du Tchad qui se sont vu délivrer les premiers passeports africains à l’issue du 27e sommet de l’Union africaine (UA) tenu à Kigali ces 17 et 18 juillet 2016.
La réalité actuelle du terrain
D’après un rapport de la Banque africaine de développement, sur les 54 pays du continent, seuls 13 permettent aux voyageurs africains d’entrer dans le pays sans effectuer de demande de visa. Un citoyen africain a donc besoin d’un visa pour se rendre dans 55 % des pays du continent. Alors que seuls 45 % des États africains exigent un visa aux ressortissants américains qui se présentent à leurs frontières. Selon l’exemple donné par le site Mondafrique.com, « un Algérien peut aujourd’hui aller à Cuba, à Haïti ou en Équateur sans visa, mais pas au Sénégal, au Kenya, au Nigeria ou en Côte d’Ivoire. Un Kenyan est encore moins bien loti. Il lui faut des visas un peu partout, sauf au Malawi, au Botswana et en Zambie. »
Des conséquences commerciales avantageuses
Au-delà de la libre circulation des personnes, ce passeport africain conduit à abolir les frontières commerciales intérieures, mettant ainsi en place une sorte d’espace Schengen à l’africaine. Le site Quartz explique d’ailleurs qu’« à une époque où les investissements étrangers directs déclinent sur le continent, le commerce transfrontalier entre pays africains pourrait être un facteur crucial de croissance ». À titre d’exemple, le commerce intrafricain entraîne des coûts supérieurs de 50 % à celui du commerce en Asie orientale.
Des défis à relever
D’aucuns sont sceptiques par rapport à ce projet ambitieux. Ce nouveau passeport pose de nombreux défis. Le continent est en proie à de multiples conflits et doit gérer des flux de réfugiés relativement importants. En outre, avec l’émergence de groupes armés tels que Boko Haram, au Nigeria, ou al-Shabaab, en Somalie, la question de la sécurité est bel et bien posée. Enfin, la récente crise d’Ebola conduit à comprendre que la question de la gestion des épidémies sur le continent est également posée.
Quoi qu’il en soit, c’est un message fort que l’UA envoie au travers de ce document. L’adoption d’un même passeport pour tout le continent, n’est-ce pas une façon de se défaire des frontières héritées de l’époque coloniale ? N’est-ce pas une manière forte de renouer avec l’idéal des Pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine dont Kwame Nkrumah ne fut pas des moindres. « L’Afrique doit s’unir », disait-il. La mise en place de ce passeport est une réponse prometteuse au moment où une nouvelle Afrique semble naître.
Source : Le Point Afrique