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Congo-Brazzaville : Faut-il avoir peur de la prolifération des églises de réveil ?

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« Les chrétiens doivent avoir le courage de la vérité contre l’hypocrisie et le langage socialement éduqué, car l’hypocrisie est le langage de la corruption. Le chrétien doit se faire porte-parole de la vérité de l’Evangile avec la même transparence que celle des enfants. » Le Pape François, Vatican, le 04 juin 2013.

Répondant à une forte demande des internautes et des lecteurs de DAC PRESSE estimant que nous n’avons pas traité complètement le problème du danger des extrémistes religieux au Congo, dans notre précédent article « Faut-il avoir peur de la montée de l’Islam au Congo-Brazzaville ? » nous avons abordé le cas de l’Islam, qu’en est-il des églises de réveil ?

Bien qu’ayant partiellement abordé le sujet, il est important d’en faire un article au même titre que celui fait sur l’Islam. Car notre démarche ne vise pas à incriminer l’Islam ou les églises de réveil mais à montrer les dérives susceptibles de conduire les populations vers des situations d’extrémistes que nous récusons.

Au Congo-Brazzaville, le nombre des églises de réveil et leurs membres est malaisé à établir, cela tient notamment du fait qu’un homme qui se décrète «pasteur ou Homme de Dieu» ne retient ses fidèles que grâce à son charisme, à son éloquence, et à ses capacités de leadership. De sorte que le croyant, s’il n’est plus satisfait des prédications, des prophéties ou des capacités de son pasteur à manifester la puissance divine de manière efficace, peut décider à tout moment de changer de chapelle, voire de créer la sienne, sans pour autant renier ses croyances antérieures.

Le foisonnement et la plasticité des églises de réveil ont un contour difficile à cerner car agissant sur un modèle de «protestantisme de l’émotion» à travers une personnalisation de la religion en surfant sur la précarité, la pauvreté et la misère sociale des Congolais.

La pauvreté et la misère sociale sont l’apanage et le nid du foisonnement des églises de réveil au Congo

L’avènement de ces églises dites de réveil vient juste après la libéralisation des cultes coïncidant avec l’esprit de la Conférence nationale souveraine de février 1991. Avec la baisse du pouvoir d’achat des Congolais, le nombre des églises de réveil s’est accru spectaculairement, souvent chacune d’elles avec ses fidèles, ses propres enseignements et sa particulière manière d’interpréter la bible.

A ce jour, point n’est besoin de le rappeler, toutes les localités du Congo-Brazzaville sont envahies par ces églises qui poussent comme des champignons et impressionnent notamment par le nombre élevé de pasteurs, prophètes, docteurs, évangélistes, frères en Christ, etc…

Bref, un véritable endoctrinement de toutes les couches de la société congolaise. Sans doute, de l’avis de maints observateurs, il y a de quoi se demander sur la motivation d’une telle éclosion de «serviteurs de Christ, Hommes de Dieu» ou «missionnaires visionnaires».

Contrairement à ce que notre pays a toujours connu, les églises de réveil sont une ramification et association des mouvements religieux à tendances pentecôtistes, évangélistes, néo-pentecôtistes, charismatiques, ou encore prophétiques.

A l’opposé des églises catholiques, protestantes, etc… dont les prêtres ou les pasteurs sont soumis à une formation religieuse approfondie de plusieurs années, ceux des églises de réveil peuvent s’autoproclamer «pasteurs» sans avoir l’obligation d’une connaissance approfondie ou une référence attestant de leur capacité reconnue par une autorité religieuse. La conséquence de cette conception marque véritablement une séparation idéologique et doctrinale par rapport aux églises dites «traditionnelles», à savoir l’église catholique, protestante, kimbanguiste et pourquoi pas musulmane. Ceci leur octroie (par imposition) une forme de liberté d’agissement plus conquérante et «une visibilité sociale importante grâce à l’occupation régulière et remarquée de l’espace public physique et à une percée médiatique à la faveur des campagnes d’évangélisation et de grandes manifestations publiques, et à une volonté d’être plus présentes dans le champ musical, lieu d’intimité spirituelle par excellence.» (1)

A partir de là, ces églises pensent se substituer à l’état s’estimant apporter les vraies réponses à la misère et à l’injustice sociale, à la survie de milliers d’âmes pris dans l’engrenage de l’adversité et de la précarité socio-économico-politique, et au déficit spirituel laissé par les églises traditionnelles. De même, ces églises s’érigent le droit de diligenter la vie quotidienne, familiale, spirituelle allant jusqu’à déterminer à l’instant T la prospérité familiale ou matérielle de ses membres. Et pour mieux ficeler cet «endoctrinement aveugle et stupide», ces églises abusent de leurs membres par des stratagèmes théologiques absurdes poussant ces derniers à dépenser de fortes sommes d’argent en divers matériels de propagande moderne: stations de radio, chaînes de télévision et location des plages des émissions de télévision, dotations impressionnantes…

Les tenants de ces églises disent évangéliser pour sauver les captifs, les âmes perdues, produire des miracles de guérison, de délivrance que les autres ignorent. Ils pensent que les grâces d’un pasteur ne sont pas nécessairement celles d’un autre.Tel gagne les âmes, tel autre opère d’autres miracles. Et chaque église à sa mission: prophétiser, évangéliser, etc…

Au final, ces mêmes membres sont encore plus pauvres, plus déprimés, plus malades, moins nantis qu’en entrant. C’est une déshumanisation spirituelle appauvrissant ses ouailles et enrichissant ces pasteurs véreux et malhonnêtes.

Dans de nombreuses églises de réveil, des «pasteurs» ou «hommes de Dieu» pratiquent ouvertement le fétichisme* en le faisant passer d’exorcisme*.

Les églises de réveil sont un business que la faiblesse de l’État laisse prospérer

La prolifération des églises de réveil au Congo-Brazzaville devient un fait saillant au cœur de la société congolaise. Les églises de réveil naissent presque tous les jours en République du Congo. Cette prolifération a pour corollaire l’enrichissement des pasteurs et l’appauvrissement des croyants. Dans ces églises de réveil, l’on se base sur la foi, la croyance en un Dieu proche, capable de résoudre les besoins les plus immédiats de l’homme. L’attrait vers ces églises est le fruit de nombreux «miracles» qui s’y opèrent.

Vu leur prolifération, il serait évident d’affirmer que ces groupuscules religieux deviennent une affaire lucrative dans laquelle les autoproclamés «Hommes de Dieu» se remplissent les poches.

Les pasteurs, qui s’autoproclament «missionnaires» ou «Hommes de Dieu» s’illustrent par des abus et s’enrichissent de la dîme, des offrandes, offrandes du prophète, transport, loyer, etc… que des adeptes crédules, séduits par leurs enseignements erronés et de leurs pseudo-miracles, leur donnent. Ces autoproclamés «Hommes de Dieu», bons éloquents, manipulent avec tact la bible et la ruse des «visions» pour séduire leurs fidèles en leur contraignant de «semer» qui consiste à donner au pasteur ce qu’on a de plus important en espérant une restitution au centuple de la part de Dieu.

Conséquence ? Beaucoup des femmes et des hommes se laissent séduire par ces fameux charlatans avec leur «évangile de la prospérité» qui les enrichit et appauvrit les fidèles.

Ils font croire avec conviction à l’assistance: «On ne vient pas dans la maison de Dieu les mains vides», martèlent-ils. Cependant, l’attitude du peuple de Dieu assoiffé de miracles et de bénédictions fait craindre qu’il ne soit livré à tout vent des doctrines radicales.

Vu que les pasteurs se font facilement fortune à moindre coût sans frais au détriment de leurs fidèles, beaucoup des gens s’autoproclament aussi «Homme de Dieu» et se lancent aussi à corps perdu dans cette affaire qui semble extrêmement lucrative en vue de rouler sur l’or à leur tour, d’où la prolifération des églises de réveil dans notre pays ne cesse d’accroître.

La structure familiale congolaise est dépecée chaque jour par les messages destructeurs de ces églises de réveil consistant à créer une famille parallèle. Les frères et sœurs ne sont plus identifiés par les liens de sang mais bien par leur appartenance à ce que certains qualifient de «confréries de la honte et du mensonge» subtilement baptisées «églises de réveil» qui s’érigent parfois le droit d’imposer un partenaire de vie à ses membres. Est-ce cela les us et coutumes de notre pays ?

Les espaces verts de divertissement populaire, les stades et terrains de jeux et loisirs ainsi que les salles de cinéma d’hier (Rio, Vogue, Abc, Star, Luxe, Ebina, Duo, Rex…) sont devenus des lieux de culte au grand bonheur des «pasteurs» ou «Hommes de Dieu».

La faiblesse de l’État à endiguer la prolifération des églises de réveil contribue au délitement de notre société

La multiplication des églises de réveil contribue à une régression de l’épanouissement des consciences, traduit la faiblesse de l’Etat et est une entrave pour le développement du Congo-Brazzaville.

Le gouvernement trouve cyniquement son compte à travers la prolifération des églises de réveil car le peuple se désintéresse au problème réel de développement de la cité et ne trouve son espace d’expression qu’à l’intérieur de ces églises.

Pire les tentacules de cette nébuleuse spirituelle se sont faufilées même dans les sphères de l’administration de l’Etat. Comment comprendre ce qui n’est plus au moins qu’une secte (n’ayant pas peur des mots) baptisée par les congolais, «église de Mama Olangui» occupée une partie de terrain appartenant à l’aéroport de Maya-Maya (du côté du nouveau salon présidentiel et de l’aéroclub) et intimide l’Etat congolais pour récupérer son terrain afin de finaliser le projet de construction des services rattachés à l’aéroport. Cela ne peut étonner puisque nous connaissons les ministres, des cadres et officiers supérieurs qui prêchent dans cette secte.

Un autre cas d’abêtissement de la population congolaise: Le gouvernement interdit aux partis de l’opposition de se réunir dans les salles ou stades publiques (cas du palais des congrès de Brazzaville et Stade A. Massamba-débat) alors que les églises de réveil s’y produisent régulièrement et y ont accès facilement moyennant une contre-partie financière.

Voilà où conduit la dérive d’une secte ayant des connexions dangereuses avec le pouvoir. Les pratiques soupçonnées douteuses et perverses souvent signalées par les ex-adeptes de cette secte sont suivies d’aucun effet. Les pouvoirs fermant les yeux devant cette dépravation, aliénation, déconstruction de la société par une poignée de charlatans qui sont des «faux faiseurs de bonheur.»

L’état devrait s’intéresser à certains égarements des prédications de ces pasteurs autoproclamés qui proclament guérir certaines pathologies uniquement par la force de la prière, profitant du délabrement sanitaire du Congo.

Comment admettre l’autorisation de ces églises qui distillent, de jour et de nuit, la pollution et les nuisances sonores à proximité des écoles, des hôpitaux au nom de la liberté de culte et de conscience?

A-t-on pensé au réveil psychologique de nos enfants ou à la tranquillité des malades?

Nous ne dirons jamais assez que l’Etat congolais est le premier responsable de cette hémorragie qui touche les populations. Pourquoi la responsabilité de l’était serait-elle engagée?

Voici l’illustration par un exemple assez édifiante.

Après une interruption d’électricité de quatre jours, le rétablissement brusque intervient dans un contexte dangereux causant l’incendie de sa maison, une dame perd son mari et son fils. Abattue et désemparée cette dernière se tourne vers une église de réveil pour consoler sa peine et retrouver la paix. Seulement on oublie trop vite que si l’Etat avait pris ses responsabilités en fournissant un service adéquate cette dame n’aurait probablement pas perdu sa famille, ni encore moins intégrée une église de réveil où l’on exploite sa détresse.

Comment admettre l’hypothèse que ces églises de réveil joueraient un rôle important dans l’encadrement de la jeunesse désœuvrée livrée au vol, à l’alcoolisme, au viol et à la dépravation des mœurs? Ce sont pourtant ces mêmes églises se substituant en psychologue distillent des diagnostics farfelus à des enfants malades en sorciers et les livrant à la vindicte populaire d’où l’une des origines du phénomène «enfants de la rue». Car la plus part des enfants qui traînent dans la rue ont été accusés de sorcellerie par ces «Hommes de Dieu» et ensuite expulsés de leurs familles. Ne serait-il pas juste d’admettre qu’être médecin est loin d’être un aventurier de DIEU?

N’est-il pas plus porteur de penser à mettre en place une politique éducative partant de la maternelle jusqu’à l’université?

Cela fonctionnait bien dans les années 60, 70 et 80 où le taux d’alphabétisation au Congo atteignait les 80%. Parce qu’il existait un suivi, une politique alliant les émulations récompensant les meilleurs élèves, des compétitions inter-scolaires qui poussaient les élèves à pratiquer un sport et aussi à déceler les talents sportifs. L’abandon de l’enseignement civique et de l’école publique est sans doute aussi préjudiciable que l’est également l’injustice sociale qui sévit au Congo-Brazzaville.

Certaines églises de réveil sont passées maîtres dans l’art du fétichisme et du mysticisme tout en prônant la gloire du christ. Fréquentées souvent par les membres du gouvernement, les hommes d’affaires, les hommes et femmes riches mais seuls, les commerçants, les étudiants… qui vont soumettre leurs doléances pour demeurer «éternellement» au gouvernement, «conserver continuellement» les hautes fonctions pour plus s’inscrire dans la politique du ventre, le «boukoutage», avoir plus d’affaires, trouver une âme sœur, vendre plus que son voisin, obtenir un diplôme. Mais ce qu’on ne nous dit pas, c’est comment ces pseudo-pasteurs œuvrent pour apporter satisfaction à tous ces adeptes demandeurs. On n’est pas surpris de voir la recrudescence des pratiques occultes et crimes rituels. Ou encore des ramifications les plus subtiles apparaissent accusant un lien étroit entre le pouvoir central et ces églises dites de réveil comme l’affirme cette assertion : « Cet événement est lu comme un moment de délivrance et d’exorcisme des pouvoirs sataniques que détiendrait D. Sassou Nguesso, que les rumeurs présentent comme un homme amoral: pour les chrétiens: un païen fétichiste, pour les adeptes des religions traditionnelles: un sorcier. » (3)

Comme pour l’Islam, ces églises de réveil ont aussi leurs lots de déviance. Sorties de leur contexte purement religieux, elles sont capables d’engendrer des foules d’intégristes prêchant la bonne parole le jour mais s’adonnant aux viols et meurtres la nuit.

Il ne s’agit pas de lancer une « fatwa* » envers les musulmans et les adeptes des églises de réveil du Congo mais de tirer la sonnette d’alarme sur l’islamisme et les déviances des églises de réveil qui prêchent un fanatisme religieux pervers, intégriste, discriminatoire, malsain et radical.

Sans pouvoir porter atteinte à la liberté de culte et de conscience, nous devons dénoncer les accointances actuelles entre certains politiques et les églises de réveil.

Le Congo-Brazzaville demeure un pays laïc, ouvert dans le monde où la tolérance et le vivre ensemble sont des moteurs qui ont toujours guidé notre belle nation. Toutes les religions auront leur place dans le processus de l’épanouissement spirituel des congolais, en respectant les us et coutumes de notre pays aucune religion ne saurait être indexée. Mais toutes formes d’extrémismes seront dénoncées, combattues et bannies.

Le Congo n’a point besoin d’un extrémisme qui sert les intérêts contraires du peuple congolais.

De façon générale, la société congolaise est à repenser car il est inacceptable de voir naître des terrasses, des boîtes de nuit, des veillées de prière, des «radios matanga» qui ne respectent aucune législation de la république.

De même, l’insalubrité, la pollution, le cadre de vie des congolais sont autant d’épineux problèmes dont des solutions urgentes tardent à venir.

 

Source : www.dac-presse.com

 

 

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