Le directeur du Bureau-pays de la Banque africaine de développement au Gabon, Robert Masumbuko répond aux questions sur l’intervention de la Banque africaine de développement en réponse aux conséquences du Covid-19.
1. La Banque africaine de développement vient d’approuver un prêt de 100,5 millions d’euros au Gabon sous forme d’appui budgétaire afin de contribuer à la lutte contre le Covid-19. Quelles en sont les implications pour le gouvernement et la population du Gabon ?
C’est dans le besoin que l’on reconnaît ses amis, dit l’adage. Le Gabon est confronté à une double crise : la pandémie de Covid-19 et la chute des prix du pétrole, principale source de revenus du pays. L’octroi de ce prêt par la Banque est particulièrement bienvenu à l’heure où les finances publiques sont soumises à rude épreuve, puisqu’il fournira immédiatement au pays l’appui budgétaire nécessaire pour atténuer l’impact de la pandémie. Le prêt renforcera le secteur de la santé, contribuera au maintien des moyens de subsistance et donnera un coup de pouce aux entreprises et aux industries nationales par le soutien apporté à l’outil de production et l’ouverture de possibilités vers un redressement économique rapide.
C’est également le signe que la Banque a confiance dans les perspectives à moyen terme du pays. Avec un portefeuille de prêts, qui atteint près d’un milliard de dollars, le Gabon figure depuis longtemps parmi les cinq premiers clients de la Banque, qui a financé des projets dans les infrastructures portuaires, l’agriculture, l’eau et l’éducation, pour n’en citer que quelques-uns.
2. Quels domaines prioritaires cette enveloppe de prêts cible-t-elle ?
Le Covid-19 exerce de fortes pressions sur le système de santé national du Gabon ainsi que sur son économie dépendante des hydrocarbures. Le financement accordé par la Banque sera investi dans les trois piliers du programme gabonais intitulé « Kill Covid-19 » (Tuer le Covid-19) : la riposte médicale à travers l’acquisition d’équipements médicaux indispensables et l’accroissement du dépistage et du suivi des contacts ; la riposte sociale par le biais d’une banque alimentaire et du paiement des factures d’eau et d’électricité des pauvres ; la riposte économique avec des garanties et des financements pour les petites et moyennes entreprises.
3. Quels seront à l’avenir les autres domaines d’appui éventuellement requis ? Quel en sera l’impact sur la relation du Gabon avec la Banque ?
Outre l’appui budgétaire, la Banque finance un programme d’urgence agricole de 20 millions de dollars, axé sur l’augmentation de la production de bananes et de manioc, l’aliment de base des Gabonais. Actuellement, le Gabon importe une grande partie des denrées alimentaires consommées par sa population. Avec la fermeture des frontières en raison du Covid-19, l’autosuffisance est devenue un impératif. En outre, la Banque accélère la mise en œuvre de ses projets existants, notamment celui visant à garantir l’accès à l’eau à 70 % de la population et à améliorer l’assainissement, une composante essentielle de la lutte contre le Covid-19, et doté de 120 millions d’euros.
Le Gabon est traditionnellement l’un des plus gros clients de la Banque, dont les interventions s’étendent des infrastructures à l’agriculture et à l’environnement, en passant par la gestion des finances publiques, l’éducation, l’eau et l’assainissement.
Depuis 1976, la Banque a approuvé 57 opérations dans le pays, pour un montant cumulé de plus de 1 365 milliards de francs CFA. Le total des engagements en cours s’élève à environ 536 milliards de francs CFA et comprend 15 opérations réparties dans les secteurs de la gouvernance (57 %), de l’agriculture (14 %), de l’eau et de l’assainissement (14 %), de la politique sociale (10 %) et du transport (5 %).
4. Dans quelle mesure la riposte au Covid-19 contribue à renforcer les liens avec le Gabon quant à l’engagement futur de la Banque ?
La Banque africaine de développement est la première parmi les banques de développement et les partenaires bilatéraux à avoir répondu positivement à l’appel lancé par le Gabon. La Banque a mobilisé 100 millions d’euros de financement. Compte tenu de l’urgence, la Banque a simplifié ses procédures, permettant ainsi la mise à disposition des fonds en moins de deux mois.
La réaction de la Banque indique sa détermination à renforcer sa collaboration étroite avec les pays membres régionaux en ces temps difficiles. Le niveau de collaboration et de concertation qui a conduit à l’octroi de ce prêt a été remarquable et a permis de garantir que les avancées obtenues ces cinq dernières années ne soient pas perdues, comme en témoigne la zone économique spéciale de Nkok, qui a changé la donne en contribuant à transformer l’exploitation forestière et à diversifier l’économie du Gabon.