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Prestation de serment du Président élu : Justine Judith LEKOGO recadre son homonyme Romuald Lekogo Alias Ali Akbar Onanga Y’Obegue

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Monsieur le Docteur,

Votre récente tribune, intitulée « La prestation de serment du 3 mai : apothéose du coup d’État constitutionnel orchestré par le CTRI et révélateur du désordre institutionnel gabonais », se veut une dénonciation véhémente d’une prétendue rupture de légalité constitutionnelle. Toutefois, à la lecture attentive de votre argumentaire, une impression tenace s’en dégage : celle d’un discours intellectuellement brillant mais juridiquement déconnecté, tant il semble ignorer ou omettre volontairement les mécanismes transitoires clairement énoncés par la Constitution gabonaise de 2024.

Vous affirmez que la Cour constitutionnelle actuelle est incompétente pour recevoir le serment du président élu, en raison de son ancrage dans le cadre transitoire issu de la Charte de la transition. Or, votre propos fait totalement abstraction de l’article 171 de la Constitution du 30 mars 2024, qui stipule de façon explicite :
« La Cour constitutionnelle demeure en place jusqu’à la désignation de ses nouveaux membres dans les conditions prévues par la présente Constitution. »

Ce simple article suffit à démontrer que la légitimité de la Cour constitutionnelle actuellement en place pour recevoir le serment présidentiel est non seulement prévue mais organisée par la norme suprême elle-même. Ce maintien n’est ni une anomalie ni une illégalité : il est une disposition transitoire pleinement assumée par les constituants pour éviter une rupture institutionnelle brutale.

Par ailleurs, vous critiquez avec vigueur le maintien des autres institutions transitoires, notamment le Parlement de transition, en y voyant un signe *d’« ordre constitutionnel inversé ».* Mais là encore, votre raisonnement élude volontairement l’économie générale des dispositions transitoires de la nouvelle loi fondamentale. L’article 171, toujours, organise expressément la continuité du Parlement transitoire « jusqu’à l’élection du bureau de chaque chambre ». Autrement dit, cette continuité est encadrée par la Constitution de 2024 elle-même.

Il ne s’agit nullement d’un vide juridique, mais d’une articulation normative transitoire nécessaire au passage progressif d’un ordre constitutionnel à un autre.

Vous déplorez un régime *« hybride »* et évoquez un *« imbroglio juridique ».* Ce jugement paraît pour le moins excessif, voire infondé, dès lors que l’ensemble des institutions actuelles sont maintenues selon des dispositions transitoires claires, dont la vocation est précisément d’éviter l’interruption de l’État ou l’illégalité des actes. Le principe de continuité de l’État impose, dans toute transition constitutionnelle, que certaines institutions soient maintenues temporairement jusqu’à leur renouvellement dans le nouveau cadre normatif.

L’argument selon lequel le président élu prêterait serment devant une juridiction incompétente relève, dans ce contexte, d’une construction théorique déconnectée de la réalité juridique. L’article 45 de la Constitution de 2024 exige que le serment soit prêté devant la Cour constitutionnelle.

Celle-ci étant maintenue, de jure, par l’article 171, elle reste compétente pour recevoir ledit serment jusqu’à sa recomposition. Il est donc inexact de parler d’excès de pouvoir ou d’usurpation de compétence.

Enfin, vous semblez réduire la transition à une simple tactique de conservation du pouvoir. C’est là une opinion politique à laquelle vous avez droit, mais qui ne saurait, en aucune façon, oblitérer la réalité juridique du processus en cours. La Constitution de 2024, à laquelle vous vous référez abondamment, a été adoptée, promulguée, et contient des dispositions transitoires précises. Elle organise donc la transition, elle ne la subit pas.

Il serait donc souhaitable, pour que votre critique gagne en pertinence et en justesse, que vous consultiez à nouveau les dispositions transitoires de cette Constitution, notamment les articles 171 à 173. Ces articles ne laissent planer aucun doute : la transition institutionnelle est encadrée par le texte constitutionnel lui-même, et non par l’arbitraire ou l’illégalité.

Votre texte, en définitive, décrit une vacuité juridique qui n’existe que parce qu’il feint d’ignorer les fondements transitoires prévus par la Constitution que vous brandissez pourtant comme étalon.

Il ne s’agit pas ici de nier les défis juridiques ou institutionnels du moment. Mais les affronter avec rigueur impose de ne pas tordre les textes au profit d’une narration politique. L’État de droit, auquel vous appelez avec insistance, commence par le respect de la lettre et de l’esprit des textes adoptés souverainement.

Justine Judith Lekogo
Députée de la Transition,
Ancienne Ministre déléguée à l’Économie et des Finances,
Ancienne du FMI,
Chef d’Entreprise,
Actrice de la société civile,
Ancienne coordinatrice du Copil Citoyen

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