Le monument de l’indépendance, à Bamako, a été pris d’assaut ce vendredi 5 juin 2020, par des milliers de manifestants. « IBK et Karim, dégagez », scandaient les protestataires, s’adressant au chef de l’Etat et à son fils, député élu à l’Assemblée nationale. L’objectif de cette manifestation était de dénoncer la « mauvaise gouvernance » dans le pays et demander la « démission du Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) ». A la tête de ce rassemblement, l’ancien président du Haut Conseil Islamique du Mali, l’imam Mahmoud Dicko, accompagné de plusieurs hommes politiques, dont d’anciens ministres du gouvernement du dirigeant malien. Selon certains observateurs, « face au mécontentement populaire, il faut refonder la gouvernance au Mali ».
Si de nombreux Maliens sont sortis pour manifester ce vendredi, d’autres ont aussi dénoncé cette manifestation qu’ils jugent « non républicaine ». Toutefois selon Dr. Aly Tounkara, enseignant-Chercheur à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako, « on ne peut pas évoquer le respect de la Constitution aujourd’hui, car elle n’a cessé d’être piétinée depuis 2012 ». L’universitaire malien estime que « les échéances électorales sous le Président Ibrahim Boubacar Keita ont toujours été caractérisées par des pratiques corruptives et des tricheries ».
« Le Mali doit refonder sa gouvernance ou périr«
Cette manifestation a « fait couler beaucoup d’encre quant à son déroulement et ses finalités. Les Maliens sont divisés entre les grilles de lecture pour certains et la préservation des intérêts sordides pour d’autres », déclare-t-il. Pour Dr Aly Tounkara, face à cette situation, il faut « refonder la gouvernance ou périr ».
« IBK et son régime, dégagez »
« Refonder la gouvernance ou périr », c’est exactement le mot d’ordre que les manifestants, regroupés depuis 11H du matin au monument de l’indépendance, avaient en tête. Prêts à tout pour se faire entendre, ils ont poursuivi leur protestation jusqu’aux alentours de 19H. Certains d’entre eux ont même tenté de se rendre au domicile du Président de la République. Une tentative qui a été bloquée par les forces de l’ordre avec notamment des jets de gaz lacrymogène.
« Le mal est diagnostiqué, la solution : IBK et son régime, dégagez »,« Non aux députés imposés et nommés », « Maliennes et Maliens, levons-nous pour le Mali », scandaient les manifestants. Dans la déclaration finale signée par la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), Espoir pour Malikoura (EMK) et le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), les organisateurs de la manifestation ont dénoncé « une gestion catastrophique de la crise multidimensionnelle au Mali », « la mal gouvernance, la corruption, la détérioration des services sociaux de base, des atteintes à la souveraineté et à l’intégrité du territoire national et l’impasse d’une voie électorale désormais hypothéquée ».
« Notre patrie, notre nation sont en danger de disparition, si un chauffeur passe son temps à faire des accidents, on lui retire son permis »
Jugeant cette situation « chaotique », les signataires de la déclaration estiment que « le peuple exige la démission du Président Ibrahim Boubacar Keïta et de son régime, avec un ultimatum pour constater cette démission au plus tard à 18H vendredi 05 juin 2020 ». Avant de conclure qu’« au-delà, le peuple souverain en tirera toutes les conséquences ».
Plusieurs personnes ont pris la parole sur le site, dont des anciens membres du gouvernement du chef d’Etat, qui sont aujourd’hui dans l’opposition. « Notre patrie, notre nation sont en danger de disparition, si un chauffeur passe son temps à faire des accidents, on lui retire son permis », a déclaré l’ancien ministre de la Communication, et président du parti MPR, Choguel Kokalla Maïga, avant Me Mountaga Tall, ex-ministre de l’Enseignement, chef de file du parti CNID-FYT, qui n’a pas mâché ses mots : « Le chef de village IBK ne peut plus supporter sa charge qui est le Mali ».
Plusieurs organisateurs de cette manifestation ont, en effet, soutenu l’actuel chef de l’Etat par le passé. Certains ont même été ministres sous son régime. Dans son intervention, l’imam Mahmoud Dicko a, pour sa part, demandé pardon aux Maliens pour avoir soutenu IBK lors de son premier mandat.
Paralysie des activités dans la capitale malienne
Face à l’inquiétude suscitée par cette manifestation chez des habitants de la capitale, de nombreuses activités ont été paralysées dans la ville de Bamakoce vendredi 05 juin. Des services et boutiques non ouverts, la libération des élèves qui ont redémarré les cours, la fermeture de plusieurs banques étaient quelques-unes des précautions prises par certains qui disaient craindre que la manifestation ne dégénère.
La sécurité a aussi été renforcée à Bamako notamment à la cité administrative, à l’Assemblée nationale et à la résidence du président de la république.
A ce stade, aucune réaction de la Présidence sur cette manifestation et ses objectifs. La démission du Premier ministre et son gouvernement, à la suite de l’élection des nouveaux députés à l’Assemblée nationale, n’est quant à elle toujours pas effective.
Avec AP 21