Qui pour succéder au président Macky Sall ? Après les invalidations des candidatures de Khalifa Sall et de Karim Wade, le Conseil constitutionnel a rendu son verdict. Tour d’horizon des principaux aspirants au palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor.
Ils sont cinq. Cinq à se lancer dans la course à la présidentielle dont le scrutin est fixé au 24 février prochain. Depuis dimanche soir, leurs noms sont affichés sur des panneaux disposés devant le siège du Conseil constitutionnel à Dakar. Aux côtés de Macky Sall, Ousmane Sonko, Idrissa Seck, Madické Niang et Issa Sall ont rempli les critères imposés par l’institution. Et parmi eux celui portant sur les parrainages, dont les règles ont été dictées par une nouvelle loi controversée votée en avril dernier. Pour pouvoir se présenter, les candidats ont dû récolter entre 52 000 et 68 000 signatures de citoyens, soit entre 0,8 % et 1 % du corps électoral.
Le Conseil constitutionnel a, en revanche, écarté la candidature de Karim Wade, ex-ministre en exil au Qatar et fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, pressenti pour représenter le Parti démocratique sénégalais (PDS). Condamné en 2015 à six ans de prison pour « enrichissement illicite » puis gracié par le président tout en restant condamné à payer une amende, son recours a été jugé « irrecevable » par les sages de l’institution. Même décision concernant la candidature de Khalifa Sall, condamné, lui, pour « escroquerie portant sur les deniers publics ». La route est donc libre pour les quatre autres aspirants à la présidence.
Macky Sall, APR
Et en premier lieu pour le président sortant, Macky Sall. À 57 ans, cet ancien ingénieur géologue souhaite briguer un second mandat sous les couleurs de l’Alliance pour la république (APR). Élu pour la première fois en 2012 avec 65,80 % au second tour, il avait battu à plates coutures son adversaire, Abdoulaye Wade. Et pourtant les deux hommes n’ont pas toujours été rivaux. Macky Sall, qui avait adhéré au PDS à la fin des années 1980, a longtemps été un soutien de l’ancien chef d’État. Président des cadres du parti en 1998, il devient sous sa présidence ministre des Mines trois ans plus tard, ministre de l’Intérieur ensuite, puis Premier ministre le 21 avril 2004. Mais, peu à peu, les relations se tendent entre les deux hommes.
Le point de rupture : la convocation par Macky Sall du fils du président Karim Wade, pour une audition sur les travaux de l’Agence nationale de l’organisation de la Conférence islamique (Anoci). Il quitte alors le PDS en novembre 2008 pour fonder l’APR, qui le mènera à la tête de l’État. Il y a sept ans, ce natif de Falick s’était engagé à lutter contre la cherté de la vie, le chômage des jeunes et la corruption. Pour y parvenir, le président a lancé le Plan Sénégal émergent, destiné à accompagner le pays jusqu’à l’émergence. Si cette initiative est saluée par la plupart des observateurs, les critiques sur l’exercice démocratique, elles, pèsent en sa défaveur.
Idrissa Seck, Rewmi
Une brèche ouverte pour Idrissa Seck, 59 ans, candidat et actuel président du conseil départemental de Thiès ? Cet ancien étudiant en économie formé en France et à Princeton est un proche d’Abdoulaye Wade. Il a été son directeur de campagne en 1988, puis en 2000. Après avoir déjà tenté l’aventure ministérielle dans le gouvernement d’union nationale en 1995, Idrissa Seck rempile sous la présidence Wade. Alors qu’il est nommé ministre d’État, puis Premier ministre en 2002, la lune de miel va pourtant laisser place aux tensions. Plusieurs médias évoquant les tentations secrètes d’Idrissa Seck d’accéder au pouvoir, il sera limogé en 2004.
Trois ans plus tard, il fonde son propre parti, Rewmi, mais termine second de l’élection présidentielle de 2007. Il se présente de nouveau en 2012, et soutient Macky Sall au second tour. Certains cadres de son parti intègrent alors le gouvernement. Mais ils le quittent l’année suivante, à l’exception de Pape Diouf et d’Oumar Guèye qui restent dans le camp du pouvoir. Idrissa Seck entre alors dans l’opposition. Il s’affiche, par exemple, ouvertement contre la loi sur les parrainages.
Ousmane Sonko, PASTEF
Autre fervent opposant au président en place, Ousmane Sonko. Cet ancien haut fonctionnaire de 44 ans, candidat pour la première fois à la présidence, ne prend pas de gants à l’égard du pouvoir. Dans son livre Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation, publié en janvier 2018, il accuse le président et son entourage, dont son frère Aliou Sall, de malversations dans la gestion des ressources naturelles du pays. Déjà, en 2016, il avait émis des critiques à l’égard du pouvoir à propos d’anomalies fiscales et budgétaires.
Des critiques qui lui ont valu sa radiation de l’Inspection générale des impôts pour manquement au devoir de réserve. Élu député à l’Assemblée nationale aux élections législatives de 2017, il défend les idées de son parti, les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), créé en 2014. Ce natif de Thiès, passé par l’ENA, a multiplié les meetings à l’étranger devant des salles combles. Plus jeune candidat à la présidentielle, Ousmane Sonko n’a, pour l’instant, jamais connu d’expérience au sein d’un système ministériel.
Madické Niang, PDS
Au contraire de Madické Niang. Cet ancien avocat au barreau de Dakar est un proche d’Abdoulaye Wade. Il l’a d’ailleurs défendu dans l’affaire de l’assassinat du juge Babacar Sèye, cet ancien vice-président du Conseil constitutionnel retrouvé mort le 15 mai 1993, quelques jours après les élections législatives. Sous la présidence Wade, ce natif de Saint-Louis a plusieurs fois été nommé ministre. À l’Habitat, à l’Énergie, à l’Industrie et à la Justice, puis aux Affaires étrangères, de 2009 à 2012. L’annonce de sa candidature, en octobre, a pris de court une partie du PDS, partisane d’une candidature de Karim Wade.
« Je réaffirme mon appartenance au PDS, et pour qu’il continue à jouer un rôle de premier plan sur l’échiquier politique et dans la marche du pays, j’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle pour assumer une candidature alternative de notre parti », s’est justifié Madické Niang, président du groupe parlementaire Liberté et démocratie.
El Hadji Issa Sall
En lice également, Issa Sall, 63 ans, sous l’étiquette du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR). Directeur de l’université du Sahel, un établissement privé créé en 1998 situé à Dakar, il a annoncé sa candidature en décembre. Informaticien de formation formé au Sénégal et aux États-Unis, Issa Sall s’est déclaré dans la presse sénégalaise contre le système de parrainage, qui, selon lui, « risque de mettre le pays à feu et à sang ». Député depuis 2017, et auteur de plusieurs publications sur les systèmes informatiques et le rôle des technologies dans le renforcement de la démocratie, il a été premier vice-président du conseil régional de Fatick, de 1996 à 2001.
Avec le Point Afrique