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Zone de libre-échange africaine : le Nigeria se retire

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Un coup dur à quelques heures d’une réunion cruciale à Kigali ce mercredi. Le Nigeria suspend sa participation à l’accord prévoyant une zone de libre-échange africaine, renseigne le Point Afrique.

Muhammadu Buhari porte un coup sévère à la future zone de libre-échange africaine. En refusant de faire le déplacement au Rwanda, où sont attendus 27 chefs d’États du continent, le président nigérian affaiblit le projet, en discussion depuis 2012. Le Nigeria représente en effet une des plus grandes économies du continent, et un marché de 190 millions de personnes. « M. le président ne voyagera plus vers Kigali pour cet événement parce que certains acteurs nigérians ont fait savoir qu’ils n’ont pas été consultés. Ils ont quelques réticences quant aux conditions de ce traité », a indiqué dimanche un communiqué de la présidence. La décision de suspension a été prise après qu’un des plus grands syndicats du pays, le Nigeria Labour Congress (NLC), a dit craindre les effets négatifs de la Zlec, et demandé à être davantage impliqué dans les négociations.

À qui profite la Zlec ?

Qu’à cela ne tienne, 27 dirigeants africains se réunissent tout de même mercredi à Kigali, pour signer l’accord instituant ce qui pourrait, à terme, devenir la plus vaste zone de libre-échange au monde. Sa création, qui concerne les 55 membres de l’Union africaine (UA) avec un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars, reste l’un des projets-phares de l’organisation. L’accord doit être ratifié à l’échelle nationale par 22 pays après la signature pour entrer en vigueur. Pour Albert Muchanga – le commissaire de l’UA chargé du Commerce et de l’Industrie – la création d’une telle zone favorisera les activités de l’industrie naissante africaine, ainsi que la classe moyenne, qui bénéficieront de l’élimination progressive des droits de douane entre membres de la Zlec.

Vers un développement du commerce intra-africain

L’objectif de la Zlec est donc clair : augmenter les échanges commerciaux à l’intérieur du continent, et dynamiser les marchés africains. Et la marge de progression est conséquente, puisque, actuellement, seulement 16 % du commerce des pays africains s’effectue avec d’autres pays du continent. « Si nous enlevons les droits de douane, d’ici à 2022 le niveau de commerce intra-africain aura augmenté de 60 %, ce qui est très, très significatif », se ravit Albert Muchanga à l’AFP, qui espère d’ailleurs que « chaque pays membre de l’Union africaine adhérera à la Zone de libre-échange continentale ». Un projet qui s’inscrit dans le cadre d’un processus plus large, devant mener d’ici à 2028 à la création d’un marché commun et d’une union économique et monétaire en Afrique.

Vers une évolution du modèle économique

Avec des secteurs des services et de l’industrie sous-dimensionnés, les pays africains ont pendant des décennies indexé leurs performances économiques sur le prix des matières premières exportées, comme le pétrole, le cacao ou l’or. Ces dernières années, des pays comme l’Éthiopie ou le Ghana ont tenté de s’extirper de ce cycle néfaste en bâtissant des usines et de nouvelles infrastructures pour les industries locales, ce qui a enclenché une hausse rapide de leur croissance économique.

« Avec la Zlec, le secteur manufacturier serait beaucoup plus diversifié, car le marché ne serait pas constitué par seulement quelques millions de personnes, mais potentiellement par 1,2 milliard », avance Landry Signe, un expert en développement à l’université Stanford aux États-Unis. Pour lui, la Zlec peut non seulement aider les industries africaines, mais elle offre également au continent une plateforme unique pour négocier de meilleurs accords commerciaux avec l’extérieur.

Un accord inégal ?

L’Afrique du Sud, un ardent défenseur de l’accord, considère ainsi que les économies africaines sont trop petites pour pouvoir seules se diversifier et s’industrialiser. Mais tout le monde ne partage pas cet avis. Au Nigeria, le syndicat NLC dit ainsi n’avoir « aucun doute que cette initiative sonnera le glas de l’économie nigériane ».

Un projet-clé mis en exergue par l’UA dans son Agenda 2063, un programme de développement à long terme qui prévoit de faciliter les flux de marchandises et de personnes sur le continent. Lors de son dernier sommet, en janvier à Addis-Abeba, l’UA avait ainsi annoncé la création d’un marché unique et libéralisé pour le transport aérien, incluant 23 pays du continent. Pour Sola Afolabi, consultant nigérian en commerce international, les pays les plus développés adopteront la Zlec, car elle leur permettra d’ouvrir de nouveaux marchés. En revanche, il pense que ceux qui disposent de ports desservant des pays enclavés la rejetteront, de peur de perdre des revenus douaniers.

L’expert nigérian appelle par ailleurs à ce que la Zlec soit accompagnée de mécanismes efficaces permettant de sanctionner le non-respect des règles établies. Il prend pour contre-exemple les zones régionales commerciales, comme la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui « ne fonctionnent pas alors qu’elles sont censées soutenir la (version) continentale ». « Si ceux qui respectent les règles ne sont pas récompensés et si ceux qui ne les respectent pas ne sont pas punis, alors ça va être un accord bien gentil, sans aucune chair », prévient-il.

 

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