Il est pour le moins surprenant d’entendre le Directeur général de la dette publique se déclarer serein face au niveau d’endettement du Gabon, en le comparant à celui de pays comme le Japon, la France ou les États-Unis. Une telle analogie, bien que téméraire, élude un élément fondamental : la nature, la qualité et l’usage de la dette contractée.
Dans les pays évoqués, la dette publique est, dans une large mesure, orientée vers des investissements productifs, porteurs de croissance durable et de développement à long terme. Ces emprunts sont contractés dans des conditions transparentes, respectées, et le plus souvent adossés à des projets économiquement viables, générateurs de revenus ou à des infrastructures structurantes. Ils s’inscrivent dans une logique de rentabilité mesurable et de retour sur investissement.
À l’inverse, la dette gabonaise se caractérise en grande partie par son caractère improductif : elle génère peu, voire aucun retour économique tangible. Trop souvent, elle sert à financer des dépenses courantes ou des projets mal planifiés, mal exécutés et dépourvus de vision stratégique à moyen ou long terme. Ce constat est d’autant plus préoccupant que le service de la dette absorbe désormais plus de 50 % du budget de l’État, réduisant considérablement les marges de manœuvre budgétaires pour les politiques publiques essentielles. À cela s’ajoute une forte opacité entourant certains emprunts et l’insuffisance des mécanismes de suivi et d’évaluation, ce qui fragilise toute tentative de gouvernance rigoureuse.
Il serait, à cet égard, plus responsable de la part de la Direction générale de la dette d’adopter une posture plus lucide et nuancée, en reconnaissant les limites de la gestion actuelle de l’endettement public. Plutôt que de recourir à des comparaisons peu pertinentes, il conviendrait d’initier un véritable débat national sur la nécessité d’une réforme structurelle de la dette publique gabonaise.
Propositions concrètes :
1. Renforcer la transparence dans la gestion de la dette, en publiant de manière régulière et détaillée les emprunts contractés, leur affectation, ainsi que l’évaluation de leur impact économique et social.
2. Élaborer une stratégie d’endettement à moyen et long terme, fondée sur les principes de viabilité, de soutenabilité et de rentabilité.
3. Réorienter les emprunts vers des investissements stratégiques et à fort effet multiplicateur : infrastructures de base, santé, éducation, agriculture et énergie.
4. Mettre en place un mécanisme de suivi et d’évaluation indépendant, chargé d’apprécier l’efficacité et la performance des projets financés par la dette.
5. Encourager les partenariats publics-privés (PPP) encadrés par un cadre juridique rigoureux, afin de limiter l’endettement direct tout en poursuivant les objectifs de développement.
En somme, la véritable question n’est pas tant de savoir si le niveau d’endettement est élevé, mais plutôt de déterminer si cet endettement est bénéfique pour le pays et ses citoyens. En ce sens, un exercice d’autocritique s’impose, dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Justine Lekogo