Le débat actuel autour des opérations de déguerpissement menées dans certaines zones déclarées d’utilité publique au Gabon suscite des réactions émotionnelles compréhensibles. Néanmoins, il importe de replacer cette problématique dans son contexte réel et de l’aborder avec objectivité, responsabilité et un authentique sens de l’intérêt général.
Par Justine Judith Lekogo
Il convient tout d’abord de rappeler que ces opérations ne sont nullement inédites. Depuis plusieurs années, les autorités gabonaises ont clairement identifié certaines zones comme non constructibles ou réservées à des projets d’intérêt public. Ces désignations s’inscrivent dans une vision de développement planifié, fondée sur les principes de durabilité, de sécurité et de modernisation urbaine.
Malgré ces avertissements maintes fois réitérés, nombre de nos compatriotes ont choisi d’ériger leurs habitations dans des zones dites d’utilité publique, des zones à haut risque, notamment sur des voies secondaires censées accueillir des infrastructures publiques ou dans des zones marécageuses notoirement inadaptées à l’habitat.
Ces actes, souvent posés en toute connaissance de cause ou à l’issue de transactions foncières entachées d’irrégularités, traduisent un profond déficit de culture urbanistique et de respect de la légalité.
Il devient alors incohérent voire contradictoire de revendiquer la construction de routes modernes, d’écoles, de centres de santé ou de réseaux d’assainissement efficaces, tout en s’opposant à la libération des emprises nécessaires à leur réalisation. Comment réclamer des solutions aux inondations récurrentes, lorsque certains construisent délibérément dans les zones inondables, puis s’indignent des conséquences prévisibles de leurs propres choix ?
Dans bien des cas, les autorités ont, de surcroît, procédé à des indemnisations pour atténuer l’impact social de ces déguerpissements. Cela démontre un effort d’équilibre entre fermeté administrative et considération humaine. Mais il convient de le souligner : l’émotion, aussi légitime soit-elle, ne saurait continuellement primer sur l’autorité de la loi dans un État de droit. Le respect de la législation demeure la pierre angulaire de toute société stable et équitable.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas unique au Gabon. D’autres pays africains aujourd’hui salués pour leur modernisation tels que la Côte d’Ivoire ou le Rwanda ont connu des processus similaires.
À Abidjan, d’importants quartiers précaires ont été démantelés dans le cadre de programmes ambitieux de restructuration urbaine. À Kigali, des réformes strictes et parfois impopulaires ont été mises en œuvre, avec pour résultat une capitale aujourd’hui citée en exemple pour sa propreté, son urbanisme discipliné et sa qualité de vie.
Ces exemples démontrent que le développement harmonieux d’une cité repose sur trois piliers essentiels : une planification rigoureuse, le respect des règles et un sens aigu de la responsabilité citoyenne. À force de complaisance, on finit par encourager l’anarchie et compromettre durablement l’avenir de nos villes et de nos enfants.
Comme l’a si justement affirmé Paul Kagame, Président de la République du Rwanda :« Le progrès n’est jamais le fruit de la facilité, mais celui du travail acharné, de la discipline et de décisions difficiles, prises dans l’intérêt de tous. »
Le Gabon ne saurait prétendre à une transformation en profondeur sans adopter une posture de rigueur. Une certaine fermeté que d’aucuns qualifieront de dictature constructive devient alors inévitable pour conduire les réformes structurelles nécessaires à notre évolution collective.
Il nous revient, en tant que citoyens responsables, d’avoir le courage de poser les bons diagnostics et d’engager les débats de société avec lucidité, honnêteté et sans démagogie.
C’est à ce prix et à ce prix seulement que notre pays pourra aspirer à un développement structuré, équitable et durable.
Affirmons donc, avec conviction et détermination, que le respect de la loi et la planification urbaine rigoureuse sont les fondements non négociables d’une société prospère.