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Démolitions à Libreville : dire la vérité, faire preuve de courage

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Il est des moments dans la vie d’une nation où le courage consiste simplement à dire la vérité. Aujourd’hui, face aux démolitions en cours à Libreville et à l’émotion qu’elles suscitent, nous devons avoir l’honnêteté de regarder notre réalité en face, sans faux-semblants ni complaisance.

Par Justine Judith Lekogo 

Depuis des décennies, notre pays a engagé des opérations de déguerpissement pour libérer des terrains destinés à des projets d’intérêt public. Dans bien des cas, des indemnisations ont été versées, parfois dès les années 1980 et même après à des familles qui ont accepté de quitter les lieux.
Ces compensations, qu’on le veuille ou non, marquaient la fin d’un droit d’occupation. Pourtant, l’histoire ne s’est pas arrêtée là.

Dans plusieurs zones de la capitale, derrière l’Assemblée nationale, à Akébé, Orety ou encore dans d’autres quartiers, des personnes déjà indemnisées sont revenues sur les lieux, ou ont vendu leurs parcelles, sciemment ou non, à des tiers. Ces derniers, malgré les informations souvent disponibles sur le statut litigieux de ces terrains, ont tout de même fait le choix de s’y installer. Pire, certains locataires se sont progressivement mués en « propriétaires », usurpant des droits qui ne leur revenaient pas.

Pendant trop longtemps, l’administration a fermé les yeux. Pendant trop longtemps, nous avons collectivement accepté l’irrégularité comme norme, espérant que le flou juridique durerait indéfiniment. Mais les faits sont têtus : un terrain cédé à l’État, contre indemnisation, n’est plus un terrain à s’approprier.

Alors oui, aujourd’hui, il y a de la douleur, des pleurs, des incompréhensions. Mais il y a aussi une vérité qu’il faut avoir le courage de dire : beaucoup savaient. Beaucoup ont espéré que l’État resterait indéfiniment silencieux. Et beaucoup continuent, encore aujourd’hui, à entretenir un discours de victimisation, alors qu’ils sont parfaitement au fait de la situation.

Je n’écris pas ces lignes pour nier les drames humains, ni pour ignorer les insuffisances de l’administration, que je reconnais pleinement. Mais à un moment donné, nous devons choisir entre la perpétuation du désordre et l’exigence de justice pour tous. Le respect de l’intérêt général impose des décisions parfois douloureuses, mais nécessaires.

Je lance donc un appel à la responsabilité. À ceux qui occupent encore ces terrains, je dis ceci : il est temps de se préparer à partir dans la dignité. Le déguerpissement n’est pas une surprise. Il est la conséquence d’un processus enclenché depuis longtemps. Refuser de voir la réalité ne la fera pas disparaître.

Enfin, j’en appelle également à l’État : que cette opération ne soit pas seulement une démonstration de force, mais une opportunité pour repenser notre politique foncière, renforcer la transparence, éviter les abus, et reconstruire un lien de confiance avec les citoyens.

Notre ville ne pourra être plus juste, plus ordonnée, plus humaine, que si nous acceptons, ensemble, de poser les fondations de la vérité.

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