En marge de la 3e édition du salon InterElles qui s’est tenu le 1er juin 20219 à Libreville, la présidente de cette plateforme, qui fait la promotion du leadership féminin, Scholastique Ayoli Letsina, a accepté de répondre aux questions de notre rédaction. Interview.
Courrier des Journalistes : Quel est l’objectif poursuivi par les organisateurs de ce salon ?
Scholastique Ayoli Letsina : Permettez-moi de vous présenter d’abord le réseau InterElles qui est l’initiateur de cette rencontre. Notre réseau est une association à caractère social qui œuvre pour l’autonomisation des femmes via la formation et via l’éducation. L’événement de ce jour est une rencontre annuelle que nous organisons et là nous en sommes à la 3ème édition. Le thème retenu cette année est « Reconstruire sa mentalité et faire le choix du bonheur ». Ce thème est inspiré d’une étude ressente de l’ONU qui informe que les gabonaises seraient parmi les femmes les plus malheureuses bien que le pays de manière générale fait bon vivre. Il y a donc un problème au niveau d’état d’esprit qui a retenu notre attention et qui est l’objet de nos interventions aujourd’hui. Nous avons donc décliné le bonheur autour du couple, de l’argent, de la sexualité et également autour de l’apparence physique dans la mesure où chacun a sa définition du bonheur. Toutes ces différentes conceptions qu’il y a autour du bonheur se retrouvent ici pour se confronter et pour qu’ensemble qu’on fasse le choix d’être heureux.
Malgré un environnement clément et assez bien, les femmes gabonaises sont parmi les plus malheureuses affirme l’ONU. Qu’est-ce qui explique ce paradoxe ?
Écoutez, on n’a pas toujours la capacité de regarder en soi-même ou d’apprécier correctement ce qu’on a. On dit toujours que l’herbe la plus verte est chez le voisin, on se dit forcément qu’au Gabon il ne fait pas bon vivre; qu’au Cameroun c’est mieux ; qu’au Congo c’est mieux. C’est vrai que ça peut être mieux sous certains angles. C’est une manière erronée de regarder les choses contre laquelle aujourd’hui nous devons lutter. C’est pour ça que nous organisons ce genre d’événements pour que les personnes qui y participent prennent le temps au-delà de leur pudeur de parler des sujets qui leur tiennent à cœur. Notre société étant pudique, on ne parle pas beaucoup entre nous, on ne parle pas de ce qui nous tient à cœur, ça justifie donc le fait qu’on n’apprécie pas aussi bien qu’on le devrait, ce qu’on vit , ce qu’on a autour de nous. Le Gabon est un pays magnifique, les Gabonais ont l’or en eux, mais il faut juste qu’on leur rappelle que l’or au départ est recouvert de poussière et qu’en nettoyant un peu, on lui donne tout l’éclat qu’il mérite.
Comptez-vous pérenniser cet événement ?
Oui nous comptons pérenniser cet événement mais pas seulement cet événement, nous avons des campagnes de sensibilisation en cours. Nous savons très bien que ce que nous sommes en train de créer comme œuvre doit se pérenniser et pour y arriver, nous devons céder le flambeau à un moment ou à un autre aux plus jeunes.
Quel sera le but et le contenu des futures campagnes ?
Nos campagnes de sensibilisation viseront à informer les jeunes filles afin qu’elles s’engagent sur les fronts social , associatif et qu’elles comprennent qu’ensemble les femmes sont plus fortes. Cette synergie est importante pour le développement du pays.
On parle de plus en plus au Gabon de la dépravation des mœurs, du phénomène de placement, de la prostitution…Les filles de 10 ans sont déviergées par des adultes. Votre réaction.
C’est déplorable que dans un pays comme le nôtre dans lequel il y a beaucoup d’intellectuels, dans lequel il y a beaucoup de matières premières, dans lequel il y a beaucoup de matières brutes, dans lequel on commence à transformer certaines matières sur place , dans un pays qui est en pleine essor économique, qu’il y ait encore des personnes qui fassent autant de mal à d’autres. Valoriser l’être humain c’est plus important que de valoriser les richesses. Je déplore cette situation. Les familles aujourd’hui étant déstructurées, on observe beaucoup de phénomènes déviants. Nous devons changer de mentalités. C’est la solution à la plupart des problèmes sociaux que nous rencontrons aujourd’hui.
La cellule familiale est malade. Les femmes longtemps victimes et gardiennes des valeurs deviennent aujourd’hui les vecteurs de nombreuses déviances constatées dans la société. Avez-vous fait le même constat ?
Vous avez entièrement raison. Je suis pratiquement d’accord avec vous. Aujourd’hui beaucoup de déviances sont tributaires de la désagrégation de la cellule familiale. Nous devons reconstruire notre vivre ensemble et cela ne peut passer que par le changement de mentalité. Par ailleurs, nous ne pouvons plus continuer de dire que les hommes seuls sont responsables de ce qui ne va pas en nous cachant derrière des prétextes. Nous avons aussi notre part de responsabilité dans le mal que vit la société.