La question de l’indemnisation des personnes concernées par les opérations de déguerpissement suscite un intérêt croissant et légitime. Il importe, dans ce contexte, de réaffirmer une position équilibrée, fondée à la fois sur le respect du droit et sur les impératifs de justice sociale.
1. Le primat du droit et de l’intérêt général
Les terrains déclarés d’utilité publique sont, par nature, destinés à des projets d’intérêt général. Leur occupation illégale ou irrégulière ne saurait, en principe, ouvrir droit à une quelconque compensation financière. Le droit protège en priorité les situations légalement établies, et l’occupation illicite du domaine public ou privé de l’État ne peut être considérée comme créatrice de droits.
Procéder à une indemnisation systématique de tous les occupants, sans distinction, reviendrait à consacrer une forme de légitimation de l’illégalité. Une telle pratique constituerait un précédent dangereux, de nature à encourager l’anarchie foncière et à fragiliser durablement l’autorité publique.
2. Une reconnaissance encadrée des situations de bonne foi
Toutefois, il convient de nuancer cette position dans un souci de justice. Les occupants de bonne foi, installés de longue date, et n’ayant jamais été formellement notifiés de l’irrégularité de leur situation, peuvent légitimement prétendre à une forme d’indemnisation. Ce principe d’équité impose que l’on distingue les cas, afin de ne pas pénaliser ceux qui, dans l’ignorance de la situation juridique, ont édifié leur vie sur ces terrains.
L’indemnisation ne saurait être générale, mais peut être envisagée au cas par cas, sur la base de critères objectifs : ancienneté de l’occupation, preuves d’installation durable, présence de titres, bonne foi avérée, ou encore ignorance justifiable du statut juridique du terrain.
3. Le rôle central de l’enquête sociale préalable
Afin d’opérer une distinction rigoureuse entre les différentes situations, l’administration doit impérativement diligenter des enquêtes sociales préalables à toute opération de déguerpissement. Ces enquêtes permettent d’identifier les personnes vulnérables, les occupants de bonne foi ainsi que les cas présentant un caractère humanitaire.
Même lorsqu’elle demeure symbolique, l’indemnisation accordée à ces profils contribue à préserver la paix sociale et renforce la légitimité de l’action publique. Elle traduit également la volonté de l’État de ne pas agir avec brutalité, mais avec discernement et sens des responsabilités.
4. Une approche fondée sur l’équilibre et la responsabilité
En définitive, la politique d’indemnisation doit reposer sur une approche équilibrée. Il s’agit de garantir le respect de la loi, tout en tenant compte des réalités sociales et humaines du terrain. Rendre justice ne signifie pas encourager les abus ; cela implique au contraire d’identifier les situations qui méritent, à titre exceptionnel, une prise en charge particulière.
Une telle approche, mêlant rigueur juridique et sens de l’équité, est seule à même de garantir une gestion apaisée du foncier et de préserver la confiance des citoyens dans les institutions.
Justine Lek GABON D’ABORD CITOYENNE RESPONSABLE