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Tribune libre : Le Gabon, de l’obscurité à la lumière démocratique

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L’ère des ténèbres (1991-2016)

En 1991, le Gabon entamait sa transition vers le multipartisme sous un régime présidentiel qui promettait l’aube d’une nouvelle ère démocratique. Hélas, cette promesse s’est rapidement transformée en mirage sanglant. Chaque élection présidentielle est
devenue synonyme de deuil national : 1993, 1998, 2005, 2009, 2016 — autant de dates qui
résonnent comme des glas dans la mémoire collective gabonaise.

Ces périodes électorales, loin d’être des célébrations de la démocratie, se sont métamorphosées en chapitres sombres, tristes et sanglants de notre histoire. Le pays tout entier s’embrasait à chaque fois dans un déferlement populaire contre le système BongoPDG, ce régime qui n’a jamais véritablement conquis le pouvoir par les urnes, mais l’a systématiquement arraché par la force brutale de la répression. Une mécanique
implacable s’enclenchait : l’armée déployée contre son propre peuple, la cour constitutionnelle transformée en chambre d’enregistrement d’une victoire prédéterminée, et le sang gabonais qui coulait inexorablement.

Les années noires : 2009 et 2016

Parmi ces périodes sombres, les années 2009 et 2016 se distinguent par leur barbarie sans précédent. Jamais le Gabon n’avait connu un pouvoir aussi sanguinaire et répressif. Ces élections ont marqué l’apogée de l’horreur, transformant notre pays en théâtre macabre
où des innocents tombaient sous les balles de leur propre armée. La réélection contestée d’Ali Bongo en 2016 a déclenché une répression particulièrement brutale, avec des
dizaines de morts officiellement recensés et plusieurs centaines d’arrestations arbitraires, sans compter les disparus dont le nombre exact reste à ce jour inconnu.

Chaque période électorale s’accompagnait invariablement d’un même rituel de terreur :
coupures systématiques d’internet et des télécommunications pour isoler le pays du regard
international, fermeture hermétique des frontières transformant le Gabon en prison à ciel ouvert, et déploiement massif des forces armées dans les rues. Dans les jours précédant le scrutin, une psychose collective s’emparait de la population : les Gabonais se ruaient dans les magasins pour constituer des stocks de nourriture et de produits de première nécessité, anticipant des jours, voire des semaines d’enfermement et de violence.

De nombreuses familles gabonaises portent encore aujourd’hui les cicatrices indélébiles de ces années de plomb. Des mères qui attendent toujours que justice soit rendue pour leurs fils fauchés en pleine jeunesse. Des pères qui ont enterré leurs enfants, victimes d’un système qui traitait les voix dissidentes comme des menaces à éliminer. Des quartiers entiers qui se souviennent des rafales d’armes automatiques tirées sur des manifestants désarmés, dont le seul crime était d’aspirer à une alternance démocratique.

La répression post-électorale de 2016 fut particulièrement féroce. Les forces armées, transformées en milice au service du clan au pouvoir, ont pourchassé, torturé et exécuté des citoyens dans plusieurs villes du pays. Le quartier général de l’opposition fut bombardé, les médias indépendants muselés, et les communications coupées pour
dissimuler l’ampleur du carnage.

Des corps disparaissaient dans la nuit, certains retrouvés plus tard dans l’estuaire, d’autres jamais rendus à leurs familles pour un dernier adieu.

Ces années resteront gravées comme la manifestation la plus brutale d’un régime aux abois, prêt à tout pour conserver son emprise sur le pouvoir, y compris à sacrifier ses propres citoyens sur l’autel de ses intérêts dynastiques.

2023 : Le tournant historique

L’année 2023 restera gravée en lettres d’or dans les annales politiques du Gabon. Face à
l’absurdité d’un système qui allait jusqu’à proclamer la victoire d’un Ali Bongo diminué par un AVC et manifestement inapte à gouverner, les forces de défense et de sécurité ont dit : « Trop, c’est trop. »

Le 30 août 2023, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a mis fin à la dynastie Bongo après 56 ans d’un règne sans partage sur le Gabon. Ce coup d’État salvateur a porté en lui une
singularité remarquable : pas une goutte de sang versée. Pour la première fois dans notre
histoire récente, un changement politique majeur s’est opéré sans que les Gabonais n’aient à payer le prix du changement de leur vie. Une page s’est tournée dans la dignité.

2025 : La renaissance démocratique

Dix-neuf mois après cette rupture historique, l’élection présidentielle qui a consacré la victoire de Brice Clotaire Oligui Nguema représente un véritable « kiss landing »
démocratique — un atterrissage en douceur vers un Gabon nouveau. Avec un score écrasant de 90,35% des suffrages contre seulement 3,02% pour son principal adversaire, Alain-Claude Bilie By Nze, le président Oligui Nguema a reçu un mandat populaire
indiscutable pour poursuivre la transformation du pays.

Plus révélateur encore que ce score impressionnant, le taux de participation de 70,4% témoigne d’une mobilisation citoyenne sans précédent, marquant la fin de l’ère de l’abstention qui caractérisait les scrutins précédents entachés de fraudes. Les Gabonais ont massivement répondu présents à ce rendez-vous historique avec la démocratie.

L’organisation impeccable de ce scrutin, digne des plus grandes démocraties occidentales, a démontré au monde entier la capacité de notre pays à se réinventer. La proclamation
des résultats en seulement trois jours, l’absence totale de contestation populaire, le vide
significatif des registres de recours à la cour constitutionnelle — tous ces éléments témoignent d’une maturité politique nouvelle. Plus remarquable encore : pas un seul bain de sang, pas une seule goutte versée sur l’autel de la transition.

Les organisateurs de ce scrutin historique ont fait preuve d’un professionnalisme exemplaire. Libres de leurs mouvements et de leurs décisions, ils ont réalisé un chef d’œuvre électoral qui restera dans les mémoires. Les électeurs, quant à eux, se sont mobilisés massivement, tordant le cou à l’abstention chronique qui minait notre démocratie. Ils ont fait montre d’une maturité civique remarquable à ce moment crucial
de notre histoire nationale.
Un fait particulièrement révélateur de cette nouvelle ère : contrairement aux élections
précédentes, aucune psychose collective ne s’est emparée du pays à l’approche du scrutin.

Les Gabonais n’ont pas vidé les rayons des supermarchés pour constituer des stocks de
survie. Les communications sont restées ouvertes, l’internet a fonctionné sans interruption, et les frontières sont demeurées accessibles. Cette sérénité palpable témoignait d’une confiance nouvelle dans le processus électoral et dans les autorités de transition.

Plus remarquable encore, au lendemain de l’annonce des résultats, les Gabonais ont
massivement et paisiblement vaqué à leurs occupations quotidiennes, comme si le pays
vivait un jour ordinaire. Ce fait, d’une banalité apparente, constitue pourtant une révolution dans notre histoire politique récente. Pour la première fois depuis l’avènement
du multipartisme, une élection présidentielle n’a pas suspendu la vie du pays, n’a pas contraint les citoyens à se barricader chez eux, n’a pas transformé les rues en zones de guerre.

Pour la première fois depuis l’avènement du multipartisme, les élections n’ont pas dressé les populations contre l’armée. Cette harmonie nouvelle entre les institutions et le peuple constitue peut-être la plus belle victoire de ce processus.

Un avenir prometteur

Nous pouvons légitimement être fiers de nous-mêmes et de nos autorités. Nous avons fait
taire les Cassandre qui prédisaient le chaos, ceux qui n’imaginaient pas le Gabon capable de se réinventer. En peu de temps, nous nous sommes hissés au rang des nations démocratiques exemplaires.

Mais cette fierté légitime s’accompagne d’une immense attente. Les Gabonais avaient soif
d’élire un nouveau président en qui ils pourraient confier leurs problèmes quotidiens. Cette soif démocratique, longtemps réprimée, s’est exprimée massivement dans les urnes. En retour, le peuple attend désormais des solutions concrètes et satisfaisantes à ses
nombreux défis. Pendant la période de transition, le président Oligui Nguema a donné des signes encourageants, prenant à bras-le-corps certains problèmes urgents et apportant des solutions qui ont nourri l’espoir populaire.

Cette soif de changement est bien présente, et l’espoir qu’elle soit étanchée demeure vivace
dans le cœur de chaque Gabonais. La balle est désormais dans le camp de l’élu. Le mandat populaire est clair, la légitimité est acquise, les attentes sont immenses. C’est à lui désormais de transformer cette confiance historique en résultats tangibles pour le bien-être du peuple gabonais.

Pour l’avenir, le Gabon doit maintenir ce cap vertueux, consolidant ses institutions,
renforçant la séparation des pouvoirs, et construisant une culture politique où le débat
remplace la violence et où les urnes sont le seul champ de bataille légitime. 

Je tire mon chapeau à ce Gabon qui avance désormais d’un pas serein vers la félicité collective, ce Gabon qui a su transformer des décennies de douleur en espoir tangible, ce Gabon qui prouve que l’Afrique peut tracer sa propre voie vers la démocratie, loin des schémas imposés et des prophéties pessimistes.

Le Gabon se tient aujourd’hui debout, fier et digne, face à son destin et face au monde.

Blanchard Paterne Andoume,  juriste conseil d’entreprises et Vice-Président à Airtel Gabon, où il supervise la régulation, les affaires juridiques, les assurances et les relations gouvernementales. De nationalité gabonaise, il est également un fervent passionné de football, ayant occupé tour à tour diverses fonctions au sein de la Fédération Gabonaise de Football, de la Ligue Nationale de Football Professionnel, ainsi que dans des clubs emblématiques comme le FC 105 et le CF Mounana. En parallèle, il est comme un observateur de la vie politique gabonaise.

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