Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba a pris part, ce lundi 07 Octobre 2019 à Libreville, à la rentrée des cours et des tribunaux dans le cadre de la rentrée judiciaire. Au cours de cette cérémonie qui a vu la présence des membres du gouvernement, des présidents des institutions constitutionnelles et des autorités judiciaires, le Conseil d’Etat a pointé du doigt les responsables d’administrations qui sont à l’origine des condamnations de l’Etat à l’issue des contentieux administratifs, par le non respect des textes.
Dans son intervention circonstancielle, le Commissaire général à la loi, Bruno Lépanda a tenu à réfuter, en présence du chef de l’Etat gabonais, les assertions véhiculées par les administrations, faisant état d’une volonté de la Haute juridiction administrative à clouer l’Etat par des condamnations. Il a justifié sa position par des verdicts rendus et par le fait que la culpabilité de l’Etat vient des responsables de l’administration qui s’illustrent par la violation des textes.
«Au cours des trois dernières années, on entend dire avec insistance dans les administrations publiques concernées que le Conseil d’Etat condamne systématiquement l’Etat. La gravité d’une telle assertion nous oblige à cette occasion exceptionnelle, à livrer notre part de vérité. Au titre de l’année judiciaire 2018-2019, le Conseil d’Etat a enregistré des demandes d’indemnisations à hauteur de 35 milliards 855 millions 912.090 francs CFA. Il a prononcé contre l’Etat une condamnation pécuniaire de 4.445.947.786 francs CFA dont 3.6.414.419 francs CFA au titre des indemnités des services rendus, toutes catégories d’ayants droits et postes confondus. Concernant les contentieux qui intéressent le Conseil d’Etat a accordé aux requérants la somme totale de 1.439.533.267 francs CFA. Il en résulte que le Conseil d’Etat n’aura alloué que 1/9 de la somme de base», a-t-il dit.
Affirmant que «Les condamnations prononcées aux tires des indemnités et services rendus sont justifiée au regard des dispositions prévues par la loi numéro 002/2008 du 8 mai 2008 fixant le régime particulier des pensions retraites des membres du gouvernement, des députés et les sénateurs d’une part, et de la décision numéro 14 du 22 juin 2017 de la Cour constitutionnelle d’autre part. Les décisions du Conseil d’Etat n’étant pas assises sur l’intime conviction, il les juge sur pièce aussi bien en ce qui concerne l’examen du contentieux de base et de celui lié à l’action de responsabilité et des contrats administratifs».
«Au contraire les auteurs de cette assertion apparaissent comme de vrais pyromanes qui, pour éclipser leurs responsabilités dans les condamnations critiquées, désignent la haute administration comme bouc émissaire. Malheureusement, cet état de chose pour le déplorer écorne habituellement l’image de la haute juridiction administrative. Alors qu’en réalité l’Etat gabonais succombe le plus souvent pour des fautes et des actes indélicats des hauts fonctionnaires qui animent l’action administrative. Il n’est pas rare de voir un responsable accorder une faveur légitime à un usager et suspendre un agent de manière arbitraire en violation des textes, ou favoriser à la commande publique aux fournisseurs en violation du code des marchés publics. Ce qui est inadmissible, c’est que ces compatriotes trompent finalement votre Excellence, parce qu’ils savent pertinemment que le Conseil d’Etat ne peut pas se rendre coupable de dénie de justice et surtout que le Conseil d’Etat ne peut pas se répandre sur la place publique pour répondre à une manipulation de cette nature. Machiavel disait dans son ouvrage intitulé «le Prince» que quand on sert le monarque, il faut lui dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité qui à l’alerter. Bon nombre de hauts fonctionnaires acquis à cette distraction de leurs supérieurs hiérarchiques connaissent bien cette assertion», a-t-il indiqué.
Pour sa part, le président de la Conseil d’Etat, René Aboghe Ella a auparavant relevé la non implication des hommes de lois dans l’élaboration des nouveaux textes adoptés dans le cadre des reformes au niveau de la Justice.
«En ce qui concerne l’environnement juridique, nous avons assisté à une dynamique de renouvellement de quelques textes notamment, le texte sur l’organisation de la justice, le texte sur la gestion de la compétence du fonctionnement et de l’organisation des juridictions administratives, le texte sur la composition et le fonctionnement et l’organisation de l’ordre judiciaire, le code pénale et le code de procédure pénale. Tout en saluant l’élan réformateur du gouvernement justifié notamment par nécessité d’une adaptation du cadre légal des réalités actuelles, le corps judicaire regrette cependant le fait de n’avoir pratiquement pas été associé à la préparation de ces textes qui devraient pourtant être en œuvre. Il ne faudra donc pas s’étonner que les amendements soient prochainement par les différents ordres de juridiction à ces textes fraichement proposés», a-t-il dit avant d’ajouter que «le corps judiciaire attend impatiemment l’adoption par le gouvernement de la nouvelle loi organique relative aux juridictions de l’ordre financier, en ce qui concerne l’activité des différentes juridictions».
Il n’a pas manqué de saluer, au plan structurel, la mise en place des tribunaux administratifs dans les chefs lieux de province qui en étaient dépourvus notamment Lambaréné, Makokou, Tchibanga, Mouila, Koulamoutou et Oyem. Une évolution louable qui, a-t-il dit, va dans le sens du rapprochement de la Justice aux justiciables.
La rentrée judiciaire a également été marquée par la prise de fonction du nouveau procureur général près la Cour de Cassation, Joachim Kidi, nommé au dernier Conseil supérieur de la Magistrature du 7 juillet 2019 à Libreville.
Source : AGP