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Franck Nguema à cœur ouvert sur RFI

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Des fonctionnaires en prison, un vice-président et un ministre limogés… Stop au trafic de bois précieux au Gabon ! Règlement de compte politique ? « Non », répond Franck Nguema, le nouveau ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Forêts, de l’Environnement et du Plan climat.

RFI : Un vice-président et un ministre d’État viennent d’être limogés dans le scandale du bois précieux Kevazingo. Est-ce le signe que le pouvoir veut faire un exemple ?

Franck Nguema : Vous savez, le président Ali Bongo Ondimba est exigeant vis-à-vis de ses hauts fonctionnaires, notamment les hauts dignitaires et membres du gouvernement. Et de très graves dysfonctionnements et complicités dans l’administration des forêts et dans l’administration des douanes, en complicité avec certains opérateurs économiques, avaient été mis en lumière par les enquêtes qui sont en cours par le procureur de la République.

Alors il n’y a qu’un an que la coupe de ce bois précieux Kevazingo est interdite. Est-ce que c’est si scandaleux que cela ?

Le Gabon est membre de la Cites, a signé le Traité de la Cites [Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction], qui protège les espèces menacées et les espèces florales et faune sauvage menacées d’extinction. Nous avons le Kevazingo, une essence précieuse, une essence de bois précieux en annexe 2 de la Cites. Et bien évidemment, pour des raisons écologiques parce que vous savez que le président Ali Bongo Ondimba est un champion de la protection de l’environnement. Donc le Kevazingo, qui était menacé d’extinction, par décret du président de la République du 19 mars 2018, a été mis en réserve et arrêt d’exploitation et d’abattage. Donc, pour nous, c’est une essence qui est actuellement protégée. Il en va de la protection de la biodiversité.

Côté chinois, le principal suspect est François Wu, un entrepreneur très influent au Gabon. Il est absent d’ailleurs du pays depuis plusieurs semaines. Mais son avocat clame son innocence. Il affirme notamment que les stocks de Kevazingo incriminés sont antérieurs à la loi de mars 2018 qui interdit la coupe de ce bois précieux.

Les stocks antérieurs à la loi du 19 mars 2018, d’accord. Mais ces stocks antérieurs sont régis par le décret du 7 juin 2016 qui précise bien que certes nous devons exploiter le Kevazingo pour l’exportation, mais que cette exploitation doit se faire dans le cadre d’une troisième transformation, c’est-à-dire une transformation de meubles. C’est normal, parce qu’à cette époque, dans le cadre du Gabon industriel, le président de la République estimait que la création d’industries au Gabon pouvait créer des emplois, pouvait créer de la richesse.

Visiblement, François Wu n’était qu’un intermédiaire dans cette exploitation de Kevazingo. Est-ce que la justice gabonaise ne lui fait pas porter le chapeau parce que c’est tout simplement l’opérateur chinois le plus connu au Gabon ?

D’abord, je voudrais rassurer les opérateurs chinois qui sont installés au Gabon. Il n’y a pas de chasse aux sorcières envers les opérateurs chinois. Je peux vous assurer qu’il existe dans notre pays, dans la filière bois, des opérateurs chinois qui sont réglo. Je pourrais en citer… Ce que je peux vous dire simplement, c’est que François Wu n’est que la face visible de l’iceberg. Il faut le dire clairement et sans ambages, il s’agit vraiment d’une mafia organisée pour l’évasion et l’exploitation illégale du Kevazingo qui s’est mise en place. Des dysfonctionnements très graves ont été notés dans l’administration des forêts, dans l’administration des douanes avec la complicité de certains opérateurs.

Côte gabonais, les deux principaux suspects sont le vice-président sortant, Pierre Claver Maganga Moussavou, et le ministre sortant des Forêts et de l’environnement, Guy Bertrand Mapangou. Que l’on reproche-t-on exactement ?

Il s’agit d’un droit de réserve qu’il fallait respecter après les communiqués de la présidence de la République et du gouvernement.

Pour sa défense, le ministre Guy Bertrand Mapangou affirme qu’un des documents à charge contre lui est un faux. Il s’agit d’une autorisation spéciale d’exportation accordée en février dernier à un opérateur chinois, Yuan Cheng negoce limited. « La signature a été scannée et le code courrier est différent de celui de mon ministère », dit le ministre d’État sortant.

S’il est vrai que j’ai été son ministre délégué chargé du Plan climat, je ne peux pas infirmer ou confirmer ses propos parce que l’enquête suit son cours. Le secret de l’instruction étant, je ne peux pas donner d’avis sur cela.

Toujours pour sa défense, le ministre sortant, Guy Bertrand Mapangou, affirme que les responsables de la disparition de quelque 350 conteneurs de bois précieux, ce sont d’abord les ministères de l’Économie et des Transports, car ce sont eux qui ont autorité sur le port et sur les douanes d’Owendo.

Le communiqué du gouvernement était très clair le 16 mai. Il a souligné que de très graves dysfonctionnements ont été remarqués dans les administrations des forêts, donc sous la responsabilité de l’ex-ministre d’Etat Mapangou, et dans le cadre des dysfonctionnements aux douanes et dans le cadre de dysfonctionnements auprès de certains opérateurs. Donc il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’un conteneur est scellé au port d’Owendo, en zone portuaire, par les agents des douanes, en présence des agents des forêts. C’est-à-dire que c’est un travail commun. Ce [qu’il dit] n’est pas complètement faux, mais ce n’est pas complètement vrai.

Mais est-ce que l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag), qui est dirigé par Landry Régis Laccruche Lelabou Alihanga, n’a pas sa part de responsabilité ?

Pour couper court à toutes ces spéculations, je dirais que lorsque le procureur de la République a été informé de ces malversations, lui-même a fait une descente sur le terrain et il a saisi les agents des eaux et forêts pour vérifier les essences qui étaient dans les conteneurs. Et il a saisi les douaniers pour la mise sous scellés. Alors que l’on veuille incriminer l’Oprag, je m’en étonne. Que l’on veuille incriminer juste les douanes, je m’en étonne. Je pense qu’au niveau du port, c’est une responsabilité collective de quelques individus véreux.

Depuis l’accident de santé du président Ali Bongo en octobre 2018, on sait qu’il y a deux clans au pouvoir, celui de la première dame et celui « des Républicains », auquel appartiennent l’ancien Premier ministre, Emmanuel Issozé Ngondet, et le ministre sortant, Guy Bertrand Mapangou. Est-ce que celui-ci n’est pas le bouc émissaire de tout ce scandale de bois précieux parce qu’il n’appartient peut-être pas au bon clan ?

Déjà, moi, vous savez que je suis rentré en politique il y a moins d’un an [NDR. Franck Nguema a été député pour la première fois en octobre 2018] et que je ne suis au gouvernement que depuis peu, il y a quatre mois. Mais en tant qu’observateur de la vie politique, je peux dire simplement que le président de la République est aux commandes du pays. Le gouvernement fonctionne, s’attelle à réaliser les réformes nécessaires pour l’amélioration des conditions de vie des Gabonais et le redressement du pays. Le climat social, certes comme dans toutes les sociétés, les revendications existent toujours et c’est légitime. Je crois qu’aujourd’hui, le président de la République est aux commandes et que toutes ces spéculations de clan, bien sûr il y a toujours des mouvements dans la majorité, il y a plusieurs partis de la majorité, mais je ne crois pas que nous soyons dans une quelconque chasse aux sorcières ou règlement de comptes.

Et que répondez-vous à ceux qui disent que, si le seul ministre des Forêts est limogé, et si les ministres de l’Économie et des Transports ne sont pas inquiétés, c’est le signe qu’il y a du règlement de comptes ?

Moi, je suis étonné de cette version de règlement de comptes. Je vous ai rappelé que ces hauts dignitaires, pour qui j’ai beaucoup de respect, l’ancien vice-président de la République, Pierre Claver Maganga Moussavou, l’ex-ministre d’État des Forêts, de l’environnement chargé du plan climat, Guy Bertrand Mapangou… Je vous l’ai dit, le président de la République est très exigeant sur le droit de réserve. Et les sorties inappropriées par communiqué de presse ont entraîné une certaine gêne au sommet de l’État.

Donc le ministre Guy Bertrand Mapangou a parlé trop vite ?

Non pas qu’il aurait parlé trop vite. Son dernier communiqué n’avait pas lieu d’être, parce que le communiqué du gouvernement était clair et disait que les ministres, qui se sont impliqués dans l’affaire du Kevazingo, devaient en tirer les conséquences. Ne se sentant pas impliqué, je pense à mon humble avis qu’il aurait dû garder raison et surtout avoir un droit de réserve.

Vous faites allusion au communiqué dans lequel le ministre Guy Bertrand Mapangou déclare : « Ma conscience d’homme libre ne me reproche strictement rien dans l’exercice des fonctions de responsable du département ministériel » ?

Vous connaissez l’adage : « le tigre ne crie jamais sa tigritude ». De ce qui me revient, ce communiqué était inapproprié quand vous le lisez jusqu’à la fin. Quand le gouvernement, à travers un communiqué, c’est-à-dire le Premier ministre, chef du gouvernement, a parlé, nous ses ministres nous restons dans le silence. C’est ça la solidarité gouvernementale.

Alors depuis un mois, tous les stocks de bois précieux sont bloqués sur le port d’Owendo, car les agents des eaux et forêts ne signent plus aucun document pour aucun opérateur, ce qui bloque toute la filière bois sur le port d’Owendo. Est-ce que cela ne risque pas de porter atteinte à l’économie gabonaise ?

Bien sûr. Mais je peux vous dire que le Premier ministre a instruit rapidement les services pour que tout revienne dans l’ordre, pour qu’effectivement les empotages et le transport des grumes jusque dans les usines de transformation se fassent régulièrement comme d’habitude et que toute la filière forêts et bois se remette en marche.

 

Source : rfi.fr

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